Au début, quand on nous propose le terme « force de police robotisée », on pense à Robocop, ensuite quand on nous amène dans la possible conscience d'un automate, nous nous rappelons Artificial Intelligence: AI, puis quand on découvre en ce robot une entité démunie et différente, des images de E.T.: The Extra-Terrestrial nous reviennent aussitôt en tête. On resonge également à HAL 9000 de 2001: A Space Odyssey puis aux replicants de Blade Runner ainsi qu'à Short Circuit et Wall-E. Malheureusement, jamais on n'oublie « les autres » robots, ceux qui ont précédé Chappie et ceux qui lui ont permis de voir le jour.
C'était principalement pour son originalité qu'on a encensé le District 9 de Neill Blomkamp. Tristement nous avons maintenant l'impression que cette importante qualité s'est corrodée au fil des années pour ne laisser qu'un pâle pastiche de ce qu'elle était en souvenir. Il n'y a malheureusement rien de bien surprenant dans Chappie. Au-delà du protagoniste qui nous rappelle ses ancêtres, la trame de fond et les personnages secondaires nous laissent également une curieuse impression de déjà-vu.
Il faut dire que Hugh Jackman, déguisé en guide touristique du parc Jurassic avec sa coupe Longueuil, ses bermudas beiges, son polo bleu pâle, son gros camion orange et son étui de téléphone accroché à sa ceinture, apporte un élément comique remarquable. Même s'il incarne le méchant de cette histoire et qu'on est censé le haïr, on ne peut s'empêcher de rigoler lorsqu'on le voit poindre à l'écran avec ses intentions machiavéliques dissimulées sous un déguisement de dresseur d'éléphants. Yo-Landi Visser et Ninja, les membres du groupe hip-hop sud-africain Die Antwoord, transmettent le même genre de dichotomie que Jackman. Le public est censé les détester au départ, mais leurs habillements et leurs réflexions puériles (du genre « on kidnappe le créateur des robots pour lui voler sa télécommande, on les éteint tous et ensuite on fait un gros coup »), nous empêche de les prendre au sérieux. Et lorsque le robot se met à les imiter, à copier leurs expressions et leurs façons de bouger, le ridicule atteint son sommet le plus haut.
Si la comédie avait été mieux assumée, si la violence avait été moins graphique et la vulgarité plus pondérée, Chappie aurait pu être accessible et divertissant, mais ici tout semble dosé à un mauvais degré. Même l'attachement qu'on développe pour le robot est nuisible. On nous le compare à un enfant, puis ensuite on lui met un fusil dans les mains et on le force à tirer. Si Chappie avait été une oeuvre de propagande, nous aurions probablement accepté de le voir être ainsi maltraité, concevant que ce genre de sévices existent dans le monde humain également, mais comme Chappie est une oeuvre de divertissement (et que Hugh Jackman avec son allure de chef scout s'y trouve toujours), on ne peut s'empêcher d'éprouver des émotions contradictoires et péjoratives.
Chappie le robot et Chappie le film ne savent pas tout à fait ce qu'ils sont. Ils sont des moutons noirs, certes, mais n'apportent malheureusement rien de bien pertinent dans leur univers respectif. Le motion capture du long métrage s'avère particulièrement bien réalisé et l'intégration des membres d'un groupe de rap comme personnages d'un film de science-fiction est plutôt intrépide et ingénieuse, mais cela ne rachète pas la fragilité de l'ensemble.