Alexander Payne retourne à l'école avec The Holdovers, presque un quart de siècle après son film culte Election qui l'a propulsé parmi les cinéastes américains les plus pertinents de sa génération.
L'homme derrière About Schmidt s'intéresse cette fois aux relations houleuses entre un professeur mal-aimé (Paul Giamatti) et un élève peu motivé (Dominic Sessa), qui sont coincés ensemble pendant les vacances de Noël. Ils seront comme chien et chat, l'eau et le feu, avant d'enterrer la hache de guerre à la toute fin.
Cette histoire largement inspirée de Merlusse de Marcel Pagnol ne brille pas par son originalité. Le scénario parfaitement prévisible est construit sur des ressorts dramatiques connus qui demeurent toujours efficaces. Comme celui de parsemer le script d'allusions au racisme, aux classes sociales et à la maladie mentale.
Si les temps sont à la mélancolie, à cette vie qui ne s'est pas nécessairement déroulée comme prévu, l'ensemble ne manque pas d'humour. Les dialogues truculent fondent dans la bouche et les situations hilarantes abondent. Cela n'empêche jamais l'émotion de fonctionner correctement, bien que les ficelles soient parfois évidentes.
Le long métrage peut surtout compter sur des beaux personnages en trois dimensions qui forment une véritable famille de substitution. Quelle joie de retrouver Paul Giamatti après tant d'années de vache maigre! Il renoue avec le réalisateur de Sideways avec bonheur, donnant beaucoup d'humanité à cet inoubliable personnage bourru qui aurait pu être incarné à une autre époque par Peter Sellers. Le nouveau venu Dominic Sessa ne se fait pas éclipser pour autant, tout comme Da'Vine Joy Randolph (Dolemite is My Name), qui campe une attachante administratrice de catétéria.
En situant l'action du récit en 1970, Payne a décidé de jouer à fond la carte nostalgique. Il utilise d'ailleurs tous les moyens techniques en sa possession pour faire croire aux cinéphiles que The Holdovers a été réalisé à cette époque. Cela inclus un générique d'ouverture vintage, une photographie soignée dans des tons de bruns et de marrons, des zooms, etc. L'hommage est saisissant tant la reconstruction et les choix musicaux fonctionnent à plein régime. Quant à sa mise en scène, aérée et ludique, elle s'apparente aux vieux films de Wes Anderson (comme Rushmore, une autre création qui se déroule dans une école).
Avec ses 133 minutes au compteur, The Holdovers n'est pas sans longueur et redite. Cela fait tout de même plaisir de voir une oeuvre qui prend son temps pour bien camper ses êtres et leurs dilemmes. Il y manque cependant un souffle ou une étincelle qui l'aurait propulsé au rayon des grands films. Dans la filmographie du cinéaste, l'ensemble est supérieur à son précédent et quelque peu décevant Downsizing, sauf qu'il ne fait pas le poids aux côtés de Nebraska et The Descendants. Mais même un film mineur d'Alexander Payne s'avère plus intéressant que la majorité des longs métrages qui prennent l'affiche en salle à chaque semaine tant l'auteur est capable d'amalgamer avec grâce le drame et la comédie.