Podz nous a fait découvrir une facette de la DPJ avec son touchant 10 1⁄2 et les Français ont fait un exercice semblable récemment grâce à Polisse, une intrusion dans le monde de la Brigade de Protection des Mineurs de Paris. Les deux films, quoique très différents dans leur contenu et leur contenant, révélaient l'existence de jeunes souvent sans parents, abandonnés et traumatisés. Catimini s'affaire à une tâche similaire en s'inspirant de faits vécus d'enfants pris en charge par la Direction de la Protection de la Jeunesse.
Entre le docufiction et la fiction pure - davantage au niveau de la chronique - Catimini est d'une éloquence et d'une fragilité transcendante. La réalisatrice Nathalie Saint-Pierre a beaucoup misé les instants de silence qui sont souvent bien plus loquaces que les mots pour faire passer son message de détresse sociale. Par contre, même si certains de ces moments renferment une puissante sensibilité, plusieurs ralentissent le récit et lui incombe une lourdeur inutile. Le premier portrait notamment, celui de la petite Cathy, 6 ans, est l'un des plus lourds. Même si la fillette est magnifique et que son silence est d'or, il gêne la progression narrative, la brime dès les prémisses. Les trois autres portraits sont plus fluides, mais toujours languissants. On comprend bien évidemment que le but de ce film n'était pas le divertissement et l'action, mais resserrer quelque peu l'histoire, quitte à raccourcir le long métrage d'une dizaine, voire d'une quinzaine de minutes, n'aurait pas pu nuire à la production. La transition entre chacun des portraits s'avère, par contre, excessivement bien contrôlée (le public a à peine conscience qu'on l'entraîne dans une nouvelle histoire quand la chronique change de mains).
Les jeunes actrices sont toutes irréprochables dans leur rôle respectif. Isabelle Vincent et Roger Larue, qui incarnent Réjeanne et Rénald Bilodeau - le couple qui accueille des jeunes filles pré-adolescentes depuis quatorze ans et ceux autour desquels le récit s'articule -, sont aussi fort habiles à l'écran. Saint-Pierre a su bien faire sa direction d'acteurs - disons plutôt d'actrices - puisque chacun(e) semble à sa place et personne n'empiète sur le territoire de l'autre.
Le texte évite de nombreux clichés entourant les familles d'accueil et en dément également plusieurs. Les méchants ne sont pas toujours ceux que l'on croit et les gentils ne le sont jamais entièrement. Catimini dévoile efficacement les limites de l'être humain et fait preuve d'une grande universalité à travers ses thèmes pourtant très spécifiques. Les non-dits ont une importance indéniable et le sous-texte parle généralement bien davantage que les dialogues, souvent superflus, élaborés d'abord pour cultiver l'intérêt et l'attachement du spectateur.
Catimini est bien structuré, techniquement parlant, mais manque de fluidité et de maîtrise en ce qui concerne son rythme global. Le public n'a aucune difficulté à croire que ces histoires sont réelles, ce qui, évidemment, accroit considérablement le sentiment d'attachement et la sympathie. Le drame veut toucher pour engendrer une émotion, suivie d'une réflexion, qui elle, ultimement, entraînerait un geste concret. Même si peu se rendront jusqu'à l'introspection et encore moins jusqu'à l'action, tous, sans exception, seront émus par la solitude et le désenchantement de ces jeunes femmes fragiles.