Dix années se sont écoulées depuis la sortie de The 40-Year-Old Virgin et la dernière décennie fut marquée du sceau de Judd Apatow qui a complètement bouleversé la comédie américaine, autant dans ses productions que ses réalisations. Les relations entre hommes et femmes ne sont plus les mêmes, l'amitié masculine est finalement possible et peu importe ce qui arrive dans la vie de tous les jours, une référence au septième art fait toujours sourire. Cette formule atteint son apogée dans Trainwreck qui est un de ses meilleurs longs métrages.
L'idée de départ est d'inverser les stéréotypes les plus grossiers. Notre héroïne (Amy Schumer) agit comme un gars, passant son temps à boire et à s'envoyer en l'air. Pas question de s'engager. Au contraire, les aventures d'un soir guident son existence, jusqu'au jour où elle rencontre le médecin préféré des sportifs (Bill Hader) qui pourrait bien lui faire changer d'idée. Mais chassez le naturel et il revient au galop...
Tout cela donne évidemment une conclusion prévisible qui est insérée dans une structure pour le moins conventionnelle et faussement subversive. L'intérêt réside ailleurs. Dès les premières secondes, le cinéaste fait mouche avec son humour outrancier. Les gags épicés se multiplient au tournant et il faudra plus d'un visionnement pour saisir toutes les allusions tant le rire est omniprésent et prononcé. Tout tourne autour du sexe, ce qui donne des moments de franches rigolades, parmi les plus drôles de l'année. Les dialogues cultes fondent dans la bouche et ils sont bien desservis par une mise en scène rythmée qui tombe cependant au neutre dans le dernier tiers. Comme toujours chez le créateur de Knocked Up et Funny People, il y a une demi-heure de trop qui se fait ressentir avant la fin.
Plus que pour le talent appliqué d'Apatow, le film appartient d'abord et avant tout à Amy Schumer. En ce moment, il n'y a personne de plus singulier qu'elle dans l'industrie américaine et même si l'humoriste ne va pas aussi loin que dans sa série télévisée, elle livre une prestation formidable. Son sens de la répartie force l'admiration, surtout que le scénario - largement improvisé - est inspiré de ses propres expériences. Et elle arrive à être touchante lors de moments plus dramatiques, demeurant constamment crédible devant les situations les plus folles et les plus loufoques. Son duo avec le pétillant Bill Hader s'avère d'ailleurs très romantique. Le reste de la distribution qui va de surprises en surprises est également parfaitement cohérente, et on risque de revoir souvent le grand joueur de basketball LeBron James tant il est à l'aise en confident au grand coeur.
Sans sortir de son carré de sable (plusieurs moments semblaient embryonnaires dans son précédent This is 40), Judd Apatow livre probablement avec Trainwreck son récit le plus mature et le plus satisfaisant. Ni féministe, progressive et encore moins réactionnaire, cette farce tendre, rafraîchissante et caustique tout à la fois demeure tout simplement humaine, recyclant efficacement les clichés les plus éculés. Et il a le mérite de faire découvrir au grand public la seule et unique Amy Schumer, qui a tout le potentiel pour aller encore plus loin que Kristen Wiig et Will Ferrell. En voilà une qui n'a pas fini de nous faire rire.