Version cinématographique « courte » (qui dure quand même 2h45) d'une série-télévisée française de près de 5h30, Carlos, le film, d'Olivier Assayas, raconte avec minutie et dynamisme l'histoire d'un des terroristes les plus importants de l'histoire de l'Europe et du monde. Les ramifications internationales de la vie d'Ilich Ramírez Sánchez, alias Carlos, sont dignes des meilleurs drames politiques et biographiques. Le film est véritablement passionnant. On voit l'ampleur de la tâche et le sérieux qu'on y a mis, mais cela nous fait aussi regretter ce que l'on a dû sacrifier pour raccourcir le film et le présenter en salle.
Ilich Ramírez Sánchez, alias Carlos, est un terroriste d'origine vénézuélienne impliqué dans la lutte palestinienne face à l'État juif. En Angleterre, en France, puis en Allemagne, il terrorise l'Europe par ses attentats, meurtres et prises d'otages. Entraîné au Yémen suite à sa fuite de France, il prépare avec une cellule terroriste la prise d'otage des ministres du pétrole des pays membres de l'OPEP, qui se produit le 21 décembre 1975. Suite à l'opération, ses dirigeants l'abandonnent et il doit créer un nouveau groupe, qui impliquera les cellules terroristes allemandes. Forcé à l'exil en Syrie et au Soudan, Carlos est finalement arrêté par les autorités françaises après deux décennies de cavale.
Les ressorts dramatiques de cette histoire sont nombreux et fascinants, et le travail de concision des scénaristes est impressionnant. La présentation du personnage, dans la première partie du film, est menée de main de maître par le réalisateur, qui prend le temps de donner du corps à son « héros » avant de se consacrer entièrement à quelques scènes d'action enlevantes. La prestation incarnée d'Edgar Ramirez est cependant au centre du film, nécessaire à sa réussite, et comme ce dernier, elle est aussi fascinante dans la première partie que décevante dans la seconde, en ce sens que le personnage, en même temps qu'il perd de son lustre, de sa confiance, perd de son intérêt.
Sa déchéance est représentée avec bien moins d'inspiration, alors que la dernière demi-heure a apparemment été charcutée de ses scènes les plus importantes. On avait l'impression d'assister à la création d'un film à travers la création d'une histoire, celle du destin d'un homme (il faudrait plutôt dire : à travers la transformation d'un film inspiré de la réalité en film de fiction, comme si les événements tirés la réalité ne s'étaient pas encore produits et qu'ils n'étaient pas inévitables). Dans la deuxième partie du film, on perd ce sentiment de danger, ce climat de forte tension, parce que le film semble plus intéressé par ce qui s'est réellement passé dans la vraie vie, comme s'il voulait être complet (tout raconter) plutôt que de se consacrer à son histoire à lui. Il dévie ainsi de sa trajectoire, affligé par quelques clichés.
On a parfois l'impression de voir Che - Part One et Che - Part Two, à la différence près que là où le héros argentin faisait passer ses idéaux avant le culte de sa personnalité, Carlos demeure ambigu sur la question. Son portrait en est rehaussé, tout comme la complexité de son personnage. Voilà la grande qualité de ce film : rendre palpitant et accessible ce qui est aussi complexe. Dommage que dans la deuxième partie, les choses se précipitent vers une finale un peu banale par rapport au destin de ce personnage comme aucun autre.