Rédiger une critique
Vous devez être connecté pour pouvoir rédiger une critique.
Mille-feuilles lacrymal
Nadine Labaki n’a pas peur de viser trop haut et de se prendre les pieds dans le tapis avec son nouveau film « Capharnaüm ». En effet, la réalisatrice de « Caramel » brasse énormément de thèmes allant des immigrés clandestins aux mariages forcés en passant par la misère ambiante et l’enfance maltraitée. Il est évident qu’elle ne parvient pas à tout traiter correctement sur les deux heures que dure le film. En suivant les pas du jeune Zain durant tout le film, elle choisit de se focaliser sur les conditions d’un enfant mal aimé, utilisé, maltraité et livré à lui-même. Dommage donc qu’elle amorce d’autres pistes sans les creuser davantage. Mais, surtout, le film pose une question éminemment intéressante lors d’un procès que le jeune Zaïn intente à ses parents : ceux-ci peuvent-ils donner la vie s’ils ne sont pas capables d’élever leur progéniture ?
Si cette problématique est plus que passionnante, elle permet seulement au film de se lancer et de dérouler de longs flash-backs sur l’histoire de ce jeune garçon. Mais aussi sur ce qui l’a amené dans ce tribunal pour poursuivre ses parents parce qu’ils lui ont donné la vie. C’est donc une nouvelle fois dommage car le débat ne sera pas vraiment développé dans « Capharnaüm », le film se passant du jugement et la réalisatrice de donner un véritable avis tranché. Ensuite, des gamins élevés par des parents ingrats voire mauvais et errant dans les quartiers pauvres de grandes villes rongées par la misère, on connaît un peu la sérénade, de « Oliver Twist » au très récent et beau « Lion ». Si Labaki n’innove en rien, elle le fait avec sincérité, même si son film lorgne beaucoup sur celui de Garth Davis avec Nicole Kidman en ce qui concerne la représentation de la pauvreté. En revanche, on a beaucoup reproché à la cinéaste libanaise son penchant pour l’émotion facile et la prise en otage du spectateur. Pourtant, à la vue du film, cela n’est pas vraiment justifié, en tout cas pas plus que la moyenne du genre. La misère de Beyrouth est montrée sans fard mais sans exagération et il n’y a aucun abus de séquences tire-larmes. Le sujet est triste, le film est du même acabit sans tomber dans l’excès, tout comme il évite le piège de sombrer dans le misérabilisme facile.
Mais « Capharnaüm » tient principalement sur la prestation complètement incroyable de son jeune acteur principal incarné par un non professionnel, Zain Alrafeea. Animé d’un bagoût et d’un charisme hors normes ce jeune comédien trouvé lors d’un casting sauvage aurait mérité le prix d’interprétation à Cannes tant il est bluffant. Enragé ou triste, dégourdi ou perdu, il joue certes son propre rôle mais aimante la caméra grâce à une prestance incroyable et une justesse incroyable dans chaque émotion retranscrite, en tout cas pour un enfant de son âge. On sait les enfants acteurs de plus en plus doués (par exemple et récemment Jakob Tremblay dans « Room ») mais celui-là pousse le curseur encore plus haut. En partie grâce à lui, on suit donc cette errance dans les rues de Beyrouth avec un intérêt soutenu, le film ne souffrant pas non plus de baisses de rythme. Le réalisme trop crapoteux est évité et l’émotion est au rendez-vous, ajoutée à une mise en scène élégante. On aurait cependant préféré que ce film aille au bout de ses sujets et sorte un peu plus des sentiers battus de ce type de cinéma. Mais les intentions, louables, sont là pour un résultat loin d’être déshonorant.
Plus de critiques sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.