Encore une fois, l'un des plus pernicieux paradoxes du cinéma (et de la vie en général, tiens, pourquoi pas) sera au coeur des discussions entourant Cadavres, le nouveau film d'Érik Canuel mettant en vedette Patrick Huard. Est-ce que l'intention suffit, ou faut-il seulement juger du résultat? Parce qu'au niveau des intentions, le film de Canuel, réalisé juste après Bon Cop, Bad Cop, mérite tous les éloges : téméraire, intransigeant... fascinant même, en ce sens qu'on en vient à s'attendre et même à espérer être projeté hors des conventions cinématographiques de « ce qui se fait et ne se fait pas »; jusqu'à croire quelques instants que tout est vraiment possible dans cet univers déjanté difficile d'accès (ce qui est une bonne chose, n'en déplaise à certains). Or, le résultat est beaucoup moins excitant. Un style télévisuel et des effets spéciaux trop apparents agacent franchement, sans que ce soit le véritable problème de cette semi-réussite-presque-ratée.
À la mort de sa mère, Raymond Marchildon appelle sa soeur Angèle, une vedette du petit écran, à la rescousse. Ils se mettent tous les deux à la recherche du corps, abandonné dans un fossé, mais mettent la main sur le mauvais cadavre, ce qui les mettra sur la piste de deux petits voyous, de leurs patrons mécontents, d'un policier zélé et d'un producteur de télé véreux. Tout ça pendant que de vieux souvenirs d'une passion interdite vient menacer la fratrie.
Le véritable problème de Cadavres se situe plutôt au niveau des trop nombreux changements de tons; entre humour ultra-théorique misant sur le sens du punch des comédiens et les souvenirs en filigrane d'un passé idéalisé, le film ne passe pas beaucoup de temps au-delà de la mince ligne qu'il s'était juré de franchir, voguant d'un sentimentalisme incongru à de l'humour scatologique digne de films parodiques américains et franchement redondant. Encore une fois, beaucoup d'audace, mais des résultats mitigés.
Les comédiens sont pourtant d'une grande efficacité; on redemanderait de ce personnage de constable de Christian Bégin, de ces faux-gangsters de Patrice Robitaille et d'Hugolin Chevrette (trop rarement vu au cinéma). La structure « en sketchs » nuit cependant à l'installation d'une véritable tension dramatique si bien que la finale, une fois agrée, ne s'avère pas aussi forte qu'espéré. L'insolence est toujours là, mais l'impression qu'on a bien trop charcuté le film (qui a déjà duré 40 minutes de plus), d'une narration omniprésente entre autres, est encore aussi forte.
Patrick Huard a cependant l'occasion de prouver à ceux qui en doutaient encore qu'il est un véritable acteur capable de jouer, émouvoir et convaincre, même dans une telle confusion des genres. Julie Le Breton et Sylvie Boucher sont beaucoup moins efficaces, prisonnières de personnages puérils qui n'ont que très peu de subtilités.
Cadavres recèle de trop de talents individuels - Érik Canuel a souvent été la seule chose intéressante de films de commande - et de trop de « mauvaises » (mais bonnes, dans ce cas-ci) intentions pour que tout soit un ratage complet. C'est dans une optique d'ensemble, lorsque les fascinantes directions artistique et photographique sont prises dans un contexte plus large, que le film manque d'intuition, ratant le bon ton et la bonne manière qui justifie une violence qu'on ne pourrait pas qualifier de « gratuite », un bain de merde et des personnages incestueux. Parce qu'il n'y a rien de mal là-dedans, à priori.
Encore une fois, l'un des plus pernicieux paradoxes du cinéma (et de la vie en général, tiens, pourquoi pas) sera au cœur des discussions entourant Cadavres, le nouveau film d'Érik Canuel mettant en vedette Patrick Huard. Est-ce que l'intention suffit, ou faut-il seulement juger du résultat?
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