Malgré ses thèmes assez lourds (suicide assisté, inceste, relation tendue entre un fils et sa mère, secrets familiaux tabous, maladie d'Alzheimer) le film C'est le coeur qui meurt en dernier arrive à se démarquer dans le paysage cinématographique québécois, souvent considéré comme trop grave et hermétique. C'est grâce à l'émotion qui s'en dégage que le drame d'Alexis Durand-Brault (La petite reine) tire son épingle du jeu. Les performances bouleversantes de Denise Filiatrault, d'abord, puis de Sophie Lorain, ensuite, contribuent à faire passer l'humanité et la tendresse de l'histoire par-delà l'écran.
Le récit est celui de Julien, un homme de 47 ans qui publie un livre autobiographique sur sa relation tumultueuse avec sa mère. Le bouquin devient rapidement un best-seller et remporte le prestigieux prix du Gouverneur général. Le film est inspiré du roman éponyme de Robert Lalonde. Gabriel Sabourin, qui incarne également le protagoniste à l'écran, a adapté le texte pour le cinéma en collaboration avec l'auteur du livre original.
On suit l'histoire de ce romancier avec beaucoup d'intérêt. Rapidement, on comprend la teneur du terrible secret qui lie mère et fils et on s'intéresse à la suite comme à une intrigue policière. Le dénouement, comme dans un bon roman policier, surprend et satisfait le public, piqué de curiosité. L'histoire ne nous est pas présentée de façon linéaire. On nous propulse dans le passé à intervalles réguliers, souvent pour expliquer les évènements du présent. Les coupures, franches, s'avèrent par contre évidentes et ne nuisent pas à la compréhension de l'ensemble, même pour un public moins familier à une telle déconstruction narrative. Les textures de l'image dans le passé et le présent ne sont pas les mêmes et permettent aux spectateurs de se repérer chronologiquement.
« Le passé c'est comme un étang.
Il ne faut pas que tu sondes le fond parce que ça fait de la bouette. »
Denise Filiatrault, 85 ans, brille de mille feux dans ce film. Celle qui avait davantage travaillé derrière la caméra au cours des dernières années nous rappelle à quel point elle possède des aptitudes d'interprète exceptionnelles. Sa fille, Sophie Lorain, se débrouille aussi excessivement bien, tout comme Sabourin dans le rôle masculin principal, mais c'est l'image de cette vieille femme bougonne et intransigeante dont on se souviendra le plus longtemps.
La musique, toute en douceur et en grâce, composée par Coeur de pirate, accompagne aussi admirablement bien la trame narrative. La caméra d'Alexis Durand-Brault n'est pas, non plus, trop envahissante ou, au contraire, trop détachée. En position d'observation, le réalisateur nous permet de poser un regard sur l'intimité des personnages, mais sans jouer d'indiscrétions. Le film, malgré son respect de la vie privée de ses héros, nous amène à nous questionner sur des sujets importants, mais délicats. Aiderait-on une personne vouée à une fin humiliante et imminente à mettre un terme à ses souffrances? Bien que le film ne donne pas de réponse, il nous encourage astucieusement à y réfléchir.
Peut-être qu'on peut reprocher à C'est le coeur qui meurt en dernier son manque de lumière. Bien que les intentions des auteurs n'étaient pas de produire une oeuvre guillerette, on aurait espéré légèrement plus de couleurs dans ce portrait monochrome.
C'est le coeur qui meurt en dernier fait partie de ces films accessibles et touchants qui marquent de belle façon notre culture et le septième art. Espérons qu'il saura ratisser plus large que ce que les drames québécois font généralement.