Au cinéma, règle générale, les Français ont tendance à nous laisser interpréter davantage, à nous permettre d'analyser les faits, les choix des différents personnages, alors que les Américains, eux, nous prennent par la main pour nous amener à une conclusion souvent hermétique et prévisible. C'est peut-être pourquoi tant de québécois considèrent les oeuvres françaises comme languissantes et ennuyeuses; nous avons appris à consommer le cinéma comme un divertissement alors que nos cousins le cultivent plutôt un art, au même niveau qu'une peinture ou un recueil de poésie. Bus Palladium est une alternative judicieuse entre les deux mentalités : les personnages et les dénouements sont poignants et intenses, mais l'histoire est assez singulière et dynamique pour entretenir l'attention des spectateurs, même les plus cartésiens.
Lucas revient en France après avoir fait un stage en architecture à Londres pour poursuivre son rêve de gloire qu'il chérit avec les membres de son groupe de rock. Son meilleur ami Manu, le chanteur du groupe, se met à fréquenter une fille, Laura, que Lucas affectionne également. Alors qu'ils se lancent dans leur première tournée européenne, les jeunes artistes seront confrontés à des dilemmes moraux importants et des difficultés considérables. Ils devront se fier les uns sur les autres pour traverser certains moments douloureux, qui leur semblent, souvent, insurmontables.
La musique est un moyen efficace pour toucher les jeunes (et moins jeunes), les intéresser, pour ensuite leur transmettre des messages plus profonds et substantiels. Les rythmes rock de Bus Palladium sont enivrants et auraient très bien pu être des succès radiophoniques des années 80. Cet aspect réaliste qui domine l'histoire - le fait que ces jeunes auraient très bien pu exister et qu'ils doivent surmonter des problèmes communs -, nous permet d'être immergés plus naturellement dans la fiction.
Bus Palladium exploite plusieurs sujets très pertinents, que ce soit la jalousie, les dilemmes auxquels doivent faire face les jeunes adultes, la dépression, la passion qui devient obsession, le vedettariat, mais ils sont beaucoup trop nombreux pour que le film en tire profit efficacement. On finit par se perdre dans ces préoccupations et tourments, tout aussi fondamentaux les uns comme les autres. Peut-être aurait-il fallu abandonner certaines particularités du récit (l'existence, toute aussi trouble, des parents des deux héros ou bien le deuil de la grand-mère de l'un des membres du groupe) pour expliciter davantage les éléments les plus influents - ceux qui font avancer l'histoire.
Arthur Dupont (qui est une version migniature de Mario Saint-Amand; la ressemblance physique est parfois troublante) donne une performance digne du talent dont fait preuve et dégage son personnage. Il donne vie à un être à la fois tourmenté et passionné que l'on a tout autant envie d'aimer que de secouer. Le québécois Marc-André Grondin, qui connaît présentement un succès colossal en France, lui donne la réplique avec brio. Il est, sans aucun doute, à la hauteur des attentes qu'on porte enlui depuis C.R.A.Z.Y..
Bus Palladium est un divertissement de qualité, ce genre d'oeuvre qui fait mentir le stéréotype du film français « ennuyeux » mais qui, trop souvent, passe inaperçu, anonyme face aux imposantes productions hollywoodiennes.