Par delà de la mort, le maître de la science-fiction frappe encore. Inspiré des écrits de Philip K. Dick, à l'origine des histoires derrière les films Paycheck, Minority Report et, évidemment, Blade Runner, The Adjustment Bureau impressionne par sa candeur, son humour et ses idées cohérentes. Un jour où l'autre, déçu par la vie ou dubitatif face à certaines coïncidences, on s'est tous interrogé sur la valeur de nos choix et l'étendue de notre libre-arbitre. La réponse de Dick à cette question existentielle et universelle est, avant d'être plausible ou vraisemblable, intéressante et surtout, intrigante. Ces êtres emphatiques qui parcourent la Terre avec la mission de faire régner l'ordre et d'empêcher les hommes de commettre des erreurs irréparables parviennent à nous fasciner dès les premiers instants. Si ce n'était pas d'une finale prévisible et consensuelle, la problématique, le débat intérieur sur la portée de nos décisions quotidiennes, aurait même pu sortir de la salle de cinéma.
David Norris est un jeune homme persévérant voué à une grande carrière de politicien. Alors qu'il doit affronter l'échec de sa candidature au Sénat, il rencontre une femme mystérieuse dans les toilettes des hommes qui le pousse à faire un discours prodigieux sur les dessous d'une campagne électorale. Bien qu'il croyait ne jamais revoir cette femme, nommée Elise, il la croise à nouveau par hasard dans l'autobus. Cet événement fortuit ne devait pas arriver selon le plan du Grand Patron et pourtant, il s'est produit, et David est maintenant témoin d'un univers parallèle dont les hommes ne devraient pas connaître.
The Adjustement Bureau n'est pas qu'une histoire d'amour, mais cette puissante et inqualifiable idylle est ce qui guide les personnages à travers le récit, ce qui les pousse à agir. La complicité entre les deux acteurs principaux est alors essentielle à la réussite de l'intrigue et du film. Fort heureusement, Matt Damon, l'un des comédiens américains les plus polyvalents, et Emily Blunt, qui prend lentement mais sûrement sa place parmi les grands, possèdent une chimie manifeste en laquelle le spectateur croit immédiatement.
Les nombreuses allégories et métaphores qui parsèment le récit, certaines bien ficelées (le rapport entre l'humain et le libre-arbitre), d'autres précaires (c'est le chapeau qui ouvre les portes), amènent une saine réflexion et nous permettent de rapprocher le destin des personnages au nôtre. L'humour léger et intelligent permet d'intégrer aisément l'histoire (et d'y croire le temps d'une projection) qui dépasse maintes fois l'entendement, tout comme la réalisation qui, souvent réservée et juste, parvient à nous y plonger sans retenue ni réserve.
Les effets spéciaux, qui se limitent presque exclusivement à de nouveaux décors derrière une porte close, sont exécutés avec finesse et donnent une personnalité bienvenue à l'ensemble de l'oeuvre. Malheureusement, ce sont quelques séquences prudentes et trop avisées qui font figure de dénouement. On sent l'intention de divertir et celle de faire rêver le public, mais pour ce qui est de le faire réfléchir, de l'amener à raisonner sur les choix qu'il prend et l'influence de ces derniers, c'est encore une fois beaucoup trop demander à Hollywood.