Imaginez si Robert Morin refaisait The Money Pit, cette comédie avec Tom Hanks qui était diffusée inlassablement à la télévision. Cela ressemblerait sans doute à Bungalow, le second long métrage de Lawrence Côté-Collins.
Déesse du court métrage québécois, Lawrence Côté-Collins a réalisé en 2016 Écartée, une fascinante docufiction sur un couple qui se sentait de plus en plus emprisonné au contact d'une troisième personne. Une oeuvre trash qui encapsulait déjà toutes les obsessions de son autrice : le culte des apparences, la satire sociale et ce désir de coller au "vrai monde".
Bungalow est un prolongement plus accessible de ses envies cinématographiques. Un nouveau huis clos carcéral où les rénovations d'un immeuble finissent par gruger deux amoureux (Sonia Cordeau et Guillaume Cyr). C'est le rêve américain qui s'en va droit dans le mur. Cette propension à vouloir satisfaire les attentes de la société qui nous fait croire que le bonheur passe par la propriété. De quoi mettre en péril sa santé mentale, financière et relationnelle.
Cette prémisse qui n'est pas forcément très originale reçoit un traitement décapant de la cinéaste et de son coscénariste Alexandre Auger. Malgré un humour quelque peu redondant (gracieuseté de la meilleure amie campée par Geneviève Schmidt) et la présence de personnages secondaires qui ont tendance à surligner lourdement les pensées de sa créatrice (comme le louche patron d'un bar incarné par Martin Larocque), le récit ne tarde pas à embrasser une certaine noirceur. Derrière le vernis et le clinquant se trouvent des situations ambiguës (la présence d'Ève Landry en est un bon exemple) et de réelles émotions, qui culminent par le karaoké extrêmement touchant du toujours excellent Guillaume Cyr.
Le film semble sans cesse se construire et évoluer au fil de sa progression, étant tour à tour ironique et romantique, dramatique et horrifique, anxiogène et engagé. Jusqu'à sa dernière partie beaucoup plus tirée par les cheveux et ultimement décevante, qui se limite dans un certain type de cinéma de genre au lieu d'abattre complètement les cloisons. Une conclusion simpliste et étonnamment morale qui rompt avec tout ce qui a été déployé jusque-là.
C'est pourtant donner beaucoup trop d'importance à ces idées narratives tant Bungalow représente d'abord et avant tout un trip esthétique. Peu importe la grosseur du budget et les contraintes de tournage, Lawrence Côté-Collins fera toujours des merveilles avec ce qui se trouve entre ses mains. Elle joue avec les différents types de médias en place, mettant sa forme au service de son propos (notamment par la concoction d'une fausse émission de télé-réalité). Son style fort est stylisé et kitch tout à la fois, ne s'enfermant jamais dans une seule façon de filmer ses personnages et son lieu. À cet effet, les plans fixes de la maison en rénovation, aussi mélancoliques qu'inquiétants, s'avèrent très soignés esthétiquement et ils fascinent par leur utilisation du clair-obscur, rappelant par moments les grands maîtres plastiques du septième art (de Pedro Costa à Tsai Ming-ling).
Même s'il est parfois dessiné à gros trait, Bungalow amuse et divertit aisément, rappelant les risques de s'oublier pour satisfaire les normes en place. Les normes, il n'y en a pratiquement pas dans le cinéma de Lawrence Côté-Collins et si l'ensemble se veut parfois gauche et inégal, c'est justement ces imperfections qui sont intéressantes à observer tant elles jettent un regard différent sur la façon de percevoir et de concevoir un film au Québec.