Frère illégitime de Borat (entendu, leurs parents étaient certainement tordus), ce Brüno est audacieux et choquant, et ne recule devant rien (bien au contraire). On le traverse (...) en riant, bien sûr, presque sans arrêt, mais aussi en s'interrogeant sur ses motivations et ses intentions. Il y a de l'ironie derrière Brüno, c'est évident, mais aussi beaucoup d'intelligence, et un immense désir de plaire. Un désir qui dénote un grave malaise social alors que des parents sont prêts à tout pour que leurs enfants décrochent un petit rôle ou que tous les moyens sont bons pour devenir célèbre. Vraiment - et pour une deuxième fois - Sacha Baron Cohen vise juste en plaçant ce miroir au-dessus du lit adultère de l'Amérique pour en examiner les plus profondes tares.
La controverse entourant ce personnage est délibérée et nécessaire. Quiconque ne serait pas avisé que le film sodomise les bonnes moeurs ne trouvera avec Brüno que dégoût et frustration. Mais cela serait se méprendre sur l'intention du film, qui fait office de laboratoire social où le spectateur est la souris. Jusqu'où aller? Quand la limite est-elle franchie? C'est la question à laquelle sont soumis tous les personnages secondaires de cette folie sans équivalent au cinéma.
Et on aurait tendance à oublier quel acteur exceptionnel est Sacha Baron Cohen pour incarner avec autant d'ingénuité et d'impudeur un personnage aussi complexe. Un acteur qui prend l'expression « se mettre en danger » au pied de la lettre, cela mérite tous les éloges, espérons qu'il les recevra. En faisant de son personnage une attention whore (une pute en quête d'attention, en français, mais c'est lourd) prête à tout, Cohen ne manque pas de souligner que la gaiété ostentatoire bourrée de stéréotypes de Brüno peut aussi être un manque de respect.
Tout de même, la richesse principale de Brüno est bien entendu son personnage principal, un top modèle et animateur de télévision aütrichien de 19 ans qui décide d'aller en Amérique pour devenir célèbre et dont l'humour sexuel et vulgaire étonne sans arrêt. Mais le personnage secondaire de son aventure, c'est l'Amérique elle-même, réactionnaire et homophobe, cette Amérique où on peut engager des consultantes en causes hümanitaires et de prêtres qui peuvent « soigner » l'homosexualité. Et c'est lors d'une scène finale süperbement filmée où Brüno et son assistant-amant s'embrassent passionnément au milieu d'une foule hostile, qu'on leur lance de la nourriture, des objets, des insultes et même une chaise, qu'ils demeurent imperturbables au milieu de cette zizanie, qu'on sent le véritable message et qu'on voit toute la laideur et l'intolérance de cette Amérique débile et violente. Aucun discours ne sera jamais plus révélateur. Et le tout se termine en chanson, imaginez.
Brüno n'est malheureusement pas à l'abri de blagues faciles et il est évident que la notoriété nouvelle de Cohen l'a empêché de mener à bien la plüpart de ses expériences. Il a donc fallu remplir une trame bidon (et inütile) avec des scènes plus prévisibles dont on peut plus facilement mettre en doute la véracité qu'avec Borat. Son rythme imparfait est également un autre symptôme d'une absence complètement de ligne directrice. Ce qui ne l'empêche pas d'être stimulant et fabüleusement drôle.