On a souvent l'impression que les comédies produites par Judd Apatow s'adressent surtout aux hommes, qu'ils soient adultes ou adolescents (ou même retraités). Vrai que certains des sujets abordés sont habituellement associés à des préoccupations masculines (le sexe, l'amitié et, ah oui! le sexe). Mais, au fond, ce n'est pas tant le sujet que la manière, et il suffisait de changer légèrement de ton pour proposer une comédie conçue comme I Love You, Man et Knocked Up mais avec une sensibilité et un point de vue féminins, avec des héroïnes centrales représentatives des pans féminins de l'amitié et du sexe (qui passe par le concept d'amour). Le résultat est assez intéressant, à défaut d'être sociologique.
S'il est difficile de dire si les héroïnes de ce Bridesmaids sont aussi assumées et réalistes que les héros masculins des autres films du même acabit, on peut certainement se laisser prendre au jeu et croire pleinement en leurs préoccupations et leurs décisions. L'univers bâti autour d'elles est assez vraisemblable, ni trop cru, ni trop sentimental; c'est-à-dire qu'on peut très bien parler de sexe assez crûment, mais qu'on a aussi un regard empathique et tendre sur le mariage parfait et sur l'amitié entre filles. Et quand l'observation est juste, l'humour fait mouche, et on rit de bon coeur. Autrement, le film est frappé de nombreuses longueurs (avec les colocataires tout particulièrement) et de quelques répétitions vraiment regrettables. Dommage au demeurant que certaines séquences soient carrément scatologiques.
D'autant que le film peine à s'élever au-dessus de la mêlée puisqu'il ne propose qu'une suite (inspirée, le plus souvent) des scènes « conçues » pour être cocasses (dans l'avion par exemple), et ne s'avère pas une observation juste et fine d'un groupe de la société sous-représenté au cinéma. On le traite mieux que dans les films de mariage habituels (avec un respect de rigueur, heureusement, qui nous permet d'éviter les crisettes et les discours enflammés sur l'amour), mais on est ici confronté à une véritable comédie, purement et simplement, qui a besoin d'être drôle pour être réussie.
Le charme de Bridesmaids passe surtout grâce aux comédiennes, fabuleusement bien choisies, qui défendent des personnages aussi fascinants que plausibles. Kristen Wiig, qui co-signe également le scénario, a un brillant timing pour la comédie, et son charme discret ressort juste au bon moment, entre l'humour et les quelques scènes d'amour qui parsèment le récit. La belle place est faite aux filles et, exception faite de l'héroïne, on ne s'intéresse guère aux fiancés/maris/amants. Cela donne une impression de solidarité qui sert bien Bridesmaids : les femmes y sont ici décrites avec honnêteté et tendresse à la fois - ce qui est plutôt rare - dans un film qui les respecte apparemment.
Car voilà possiblement la plus grande qualité de Bridesmaids : ne pas être Sex and the City (le film). Pas de vision édulcorée et pure du « véritable amour », pas de message d'espoir quétaine sur la beauté intérieure et un processus d'identification plus facile qu'avec un quatuor de femmes ultra-riches mais jamais contentes - on n'a jamais cru en la « vérité » au cinéma, mais disons qu'on en est plus près ici. Remarquez que dans les deux cas les femmes gardent leur brassière au lit, ce qui nous semble assez improbable...