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Teen Woke Movie
Les teen-movies – ou comédies à destination des adolescents se déroulant dans un lycée ou à l’université – sont un peu comme les slashers : ils reviennent sur les écrans par vagues, par modes et par décennie. Il y a eu celles du début des années 80 avec les films de John Hugues maintenant devenus cultes et/ou kitchs pour certains. Il y a eu celle du début des années 90 avec en point d’orgue le tout aussi culte « Clueless ». Enfin, il y a eu la très grosse vague du début des années 2000 avec les cartons que furent « Americam Pie », « Elle est trop bien » ou encore « College attitude ». Depuis, le genre revient de manière sporadique mais plus discrète et on peut se mettre d’accord sur une chose : la plupart de ces bluettes ou comédies potaches ne volaient pas bien haut et peu sont vraiment réussies et mémorables. Hormis le maître étalon du genre cité plus haut avec Alicia Silverstone, on pense à l’espiègle et excellent « Lolita malgré moi » ou au récent, intelligent et touchant « Booksmart », le premier film d’Olivia Wilde avant « Don’t worry darling ». Le point commun entre les meilleurs teen-movies américains (puisque c’est un genre presque essentiellement américain) : ils déjouent les clichés. Car, en effet, ces films sont souvent bardés de caricatures et d’étiquettes qui vont de l’équipe de football et ses bellâtres aux cheerleaders idiotes en passant par les geeks ou les obsédés de la première fois. On y alterne souvent entre deux tonalités ou les deux à la fois, en l’occurrence la guimauve ou l’humour trash et lourdingue. « Bottoms » fait partie des rares réussites du genre justement parce qu’il prend tous les clichés à contrepied ou s’en moque, qu’il est écrit avec justesse et qu’il développe un discours inclusif très contemporain et intelligent.
Réalisé par la jeune Emma Seligman qui avait marqué le petit monde du cinéma indépendant avec « Shiva Baby » il y a deux ans, « Bottoms » développe tous les atours d’un film issu du sérail indépendant dans sa production comme lors de son écriture mais sa facture visuelle (assez classique et conforme au genre il faut l’avouer) le fait ressembler à n’importe quel autre teen-movie. Ce qui est au final assez malin, comme un camouflage pour amener un large public adolescent voir un film qui leur est destiné mais qui est bien plus intelligent que ce qu’on a l’habitude de leur présenter. Les deux héroïnes sont lesbiennes et créent un club de self-défense pour pouvoir perdre leur virginité. Mais la plupart des personnages ont un problème à vivre leur féminité et leur sexualité simplement à cause des vestiges du patriarcat, de la misogynie ou de l’homophobie en cours. « Bottoms » s’affirme donc clairement comme un teen-movie hautement féministe et contestataire. A partir de ce postulat, le script de Seligman va pousser dans leurs retranchements toutes les étiquettes d’un cinéma ado démodé ou dépassé par les avancées sociales et sexuelles en cours. Ce n’est pas toujours très fin comme le montre la manière dont son décrits les joueurs de l’équipe de football (excellent Nicholas Galitzine vu dans la superbe romance gay « Blue Royal, Red and White ») mais c’est souvent drôle et bien vu. Le film est très bavard mais plein de malice et on passe un bon moment avec un film finalement woke mais pas trop (c’est-à-dire pas propagandiste ou malsain). Il va juste un peu trop loin dans la dernière ligne droite qui se révèle poussive. Mais que cela fait du bien de voir un teen-movie (chose déjà rare aujourd’hui) qui sort du lot avec intelligence.
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