« Je ne suis pas une victime » dira Kiki Labrèche à sa mère folle. À bien y penser, c'est tout ce qu'il y a à savoir a priori de cette histoire familiale aux arômes doux-amers d'autobiographie et de sexe qui parle bien plus d'estime de soi que de cul. Ah! bien sûr, du cul, il y en a, et beaucoup. Du très bien fait, du maladroit, du propre, du moins propre, mais c'est un véritable drame qui se joue entre deux rencontres dans des chambres d'hôtel bon marché, celui d'une renaissance - non, d'une naissance en fait - et d'une prise de conscience minutieuse de l'individu. Une histoire d'amour avec soi-même, finalement, malgré les obstacles et le passé troublé.
Occupée à la rédaction de son mémoire de maîtrise, Kiki Labrèche a trente ans. En panne d'écriture, elle cherche de l'inspiration dans sa propre vie déjà mouvementée. Elle est la maîtresse de son professeur de littérature, un homme marié. Sa mère est internée et sa grand-mère est de plus en plus mal en point. La vie de Kiki Labrèche n'est pas de tout repos.
Isabelle Blais draine toute l'attention, parfaite de candeur dans un rôle très exigeant autant physiquement qu'émotionnellement. Vigoureuse et passionnée, sa transformation de jeune fille sage à Ève insatiable est convaincante. Heureusement, car elle porte le film sur ses épaules, qu'il faille jouer la comédie, le drame ou le sexe. La mise à nu se fait rapidement, comme pour désamorcer et mettre tout le monde à l'aise dès le départ. Mais la zone de confort est de courte durée, et les recoins du passé de Kiki Labrèche, qui se dévoilent lentement (peut être un peu trop), tiennent quand même leurs promesses. La performance de Sylvie Drapeau est impressionnante même si certains tics deviennent agaçant, tandis qu'Angèle Coutu est toujours juste dans le rôle de la grand-mère. Une performance remarquable du trio de comédiennes.
Le premier long métrage de fiction de Lyne Charlebois est cependant légèrement affecté par une esthétique très près du vidéoclip (la réalisatrice y a d'ailleurs fait ses dents) et un montage coriace lorsqu'il n'est pas tout simplement pragmatique. Mais de nombreuses belles petites idées, comme cette manière très intéressante de mélanger les époques dans une même scène ou cette facilité avec laquelle Charlebois évite le sentimentalisme et les larmes faciles, rendent encore plus réaliste l'histoire. « Je ne suis pas une victime. »
Mais quand même, le film frappe là où il faut, comme un bon coup de pied au cul. Le jeu d'Isabelle Blais force l'admiration et attire la sympathie, pendant que Charlebois trouve les bons mots et les bons moments (elle co-scénarise avec l'auteur des livres, Marie-Sissi Labrèche). L'apparition de Pierre-Luc Brillant est aussi un moment magique qui rendra un peu plus paisible l'existence tordue de Kiki, même si elle a tendance à se sauver lorsqu'elle est confrontée au bonheur. Borderline exprime ce que l'augmentation constante de prescriptions d'anti-dépresseurs des dernières années ne comprendra jamais : ça se soigne d'abord et avant tout en dedans.
Isabelle Blais draine toute l'attention, parfaite de candeur dans un rôle très exigeant autant physiquement qu'émotionnellement. Mais de nombreuses belles petites idées, comme cette manière très intéressante de mélanger les époques dans une même scène ou cette facilité avec laquelle Charlebois évite le sentimentalisme et les larmes faciles rendent encore plus réaliste l'histoire.