BlackBerry, c'est la rencontre entre deux univers généralement présentés de manière diamétralement opposée au cinéma : le monde des affaires et la bulle du génie créatif.
Une formule qui a donné lieu à une certaine fascination pour les avancées technologiques au cours des dernières années, résultant notamment en le brillant The Social Network de David Fincher, les deux longs métrages beaucoup moins concluants consacrés à Steve Jobs, et, plus récemment, le fort divertissant - et excessif - Tetris de Jon S. Baird.
Dans ce genre de devoir de mémoire de plus en plus hâtif, la même question revient toujours : éthique et révolution technologique peuvent-elles faire bon ménage?
Dans BlackBerry, l'homme d'affaires Jim Balsillie (personnifié avec hargne par Glenn Howerton) s'impose comme un mal nécessaire auprès de la bande de tronches de la petite entreprise Research in Motion, menée par le duo candide formé de Mike Lazaridis (Jay Baruchel) et Doug (Matt Johnson).
Dès son arrivée, Balsillie leur donne le coup de pied au derrière dont ils avaient tous grand besoin pour concrétiser leur vision révolutionnaire, demeurée en dormance sous les frasques d'un groupe ne prenant pas les choses suffisamment au sérieux, et n'étant pas pleinement conscient de la mer de requins dans laquelle ils doivent s'aventurer pour réussir.
Évidemment, l'histoire du BlackBerry est celle d'une ascension phénoménale, et d'une chute absolument brutale. Mais entre le moment où les parts de marché de la compagnie sont passées de 45 % à zéro, beaucoup de choses se sont produites durant ces années où les technologies de télécommunication allaient entamer leur plus importante mutation.
L'une des plus belles réussites du réalisateur Matt Johnson dans le cas présent est d'ailleurs la façon dont il parvient à expliquer clairement au public les technicalités et les enjeux avec lesquels ont dû jongler ses sujets, et ce, sans que le tout ne prenne les allures d'une présentation PowerPoint ou d'un jargon incompréhensible pour le commun des mortels.
BlackBerry est un film dynamique, constamment en mouvement, communiquant allègrement autant l'effervescence suscitée par les moindres percées que l'anxiété découlant de chaque embûche, tout comme les frustrations des hommes ayant lancé la parade pour finalement ne pouvoir que la regarder passer.
Le principal problème du film, toutefois, c'est la manière dont Johnson imprègne sa facture visuelle de ces différents états d'âme, optant pour un style nerveux et imprécis découlant de l'usage de la caméra à l'épaule qui était, certes, très populaire au moment des faits, mais qui, à l'instar du BlackBerry, a aussi fait son temps.
Mais la vraie force du présent exercice réside dans sa lucidité et son honnêteté par rapport à la nature profonde de ses personnages, que Johnson édifie à partir d'autant de stéréotypes que de zones grises. Leur arc dramatique respectif est tracé dès le départ, mais leurs actions et leurs réactions sont loin d'être toujours celles que nous avions anticipées.
Oscillant habilement entre le drame et la comédie, les triomphes et les échecs, les effets psychologiques de la concurrence, BlackBerry va bien au-delà de son sujet principal pour offrir une savante étude sur la culture d'entreprise, sur la complémentarité et l'opposition des personnalités, sur les sacrifices et les compromis devant être faits de part et d'autre... et ce qu'il se produit lorsque ce fragile équilibre est rompu.
En bout de ligne, Matt Johnson et ses acolytes nous laissent certainement avec énormément de matière à réflexion. Mais combien de leçons seront réellement retenues de la brève mais intense histoire du BlackBerry à l'aube de la prochaine révolution technologique? Là est la question...