Cela a pris près de trois décennies avant que Bill & Ted retrouve le chemin du cinéma. Évidemment que leur retour allait tomber pratiquement au même moment que Tenet, cette autre histoire alambiquée de voyage dans le temps. L'attente en valait-elle la peine? Oui et non.
Oui parce que cela permet à Keanu Reeves et Alex Winter de retrouver leur chimie intacte. Alors que le premier est devenu une vedette et se permet de faire n'importe quoi (il était récemment hallucinant dans le dernier épisode cinématographique de Bob l'éponge), le second s'est recyclé en réalisateur de documentaires engagés. Ils renouent ensemble comme si c'était hier, dans la peau de joyeux adolescents attardés qui doivent prendre leurs responsabilités auprès de leurs filles et trouver la chanson parfaite afin d'unir le monde et sauver l'univers. Rien de moins.
Non parce qu'à partir de là, le scénario de Chris Matheson et Ed Solomon (qui ont créé la série... mais aussi écrit le super navet Imagine That avec Eddie Murphy) ne fait pas grand-chose. Le synopsis multiplie les sauts temporels jusqu'à plus soif, inondant l'écran de références et de clins d'oeil qui prennent la forme de sketchs de qualité inégale. Pendant que les mecs tentent de soutirer les vers du nez de leurs doubles, leurs progénitures recrutent une équipe d'enfer pour le concert final. Elles vont même chercher la Grande Faucheuse en personne (William Sadler, qui était déjà de Bogus Journey) pour une prestation qui aurait sans doute motivé Ingmar Bergman à renommer son chef-d'oeuvre Le septième sot.
Sauf que les répliques cultes et les situations mémorables manquent trop souvent à l'appel. Ce qui aurait pu être si hilarant ne provoque au final que de simples sourires en coin. Tout le contraire du «classique» Bill & Ted Excellent Adventure et de sa suite mésestimée. Entre variations et reprises, le script surfe sur des modèles préétablis, cherchant à faire revive ce qui appartient à une époque nette et précise. Il y a toujours un risque à ressasser les souvenirs nostalgiques de jeunesse et si le désir est louable de vouloir les faire connaître à une nouvelle génération de cinéphiles (surtout avec des personnages féminins qui pourraient reprendre la franchise en main), la démonstration ne s'avère pas toujours convaincante. Le cinéaste oscarisé Dean Parisot a beau avoir retrouvé la forme des beaux jours (on est ici plus près de Galaxy Quest que de Red 2), il ne peut rien face à une intrigue faussement imprévisible et extrêmement naïve qui célèbre le pouvoir de la musique et du travail d'équipe. Une vision qui, il faut l'admettre, peut faire du bien en temps de pandémie... mais jusqu'à un certain point!
Afin de soutirer le maximum de Bill & Ted Face the Music, il faudra le voir en programme double avec Tenet de Christopher Nolan. Évidemment, les tons et les budgets sont différents, mais il y a énormément de liens à tisser entre ces deux divertissements chaotiques qui utilisent le temps d'une façon unique et renversante.