* Vu au Festival du Film de Toronto 2017.
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Suburbicon possède l'étrangeté et l'originalité des films des frères Cohen sans en avoir la trempe. Le problème vient-il de la réalisation trop polie de George Clooney ou d'un scénario à quatre mains mal assumé? Difficile à dire. C'est probablement une foule de facteurs qui affectent notre appréciation de l'oeuvre. La satire sociale/comédie noire du quatuor Clooney-Cohen-Heslov semble tourner autour du pot pendant 90 minutes sans jamais parvenir à toucher le coeur du « problème ».
L'intrigue nous surprend qu'à de très rares occasions. Après la première demi-heure, il devient facile de prédire le dénouement de cette histoire abracadabrante. On espère longtemps que les frères Cohen sauront nous confondre dans nos convictions, mais on doit malheureusement se résoudre à une amère déception en fin de parcours. L'absurdité des situations est telle qu'on finit par ne plus s'étonner du tout. L'anticipation et la curiosité font rapidement place à un triste désintérêt.
Et il y a cette trame sur le racisme - une famille d'Afro-Américains débarque dans la banlieue de Suburbicon et est victime de la haine injustifiée d'une population xénophobe - qui ne tient pas debout. Que veut-on nous faire comprendre à travers l'histoire de ces nouveaux arrivants? Que l'herbe n'est jamais plus verte chez le voisin? Que des choses bien pires se passent là où l'on ne regarde plus? On espérait une explication de la part des scénaristes ou du moins une piste de réponse, mais ceux-ci ont choisi de laisser place à l'interprétation des cinéphiles. Un choix discutable dans le cas présent.
Une réalisation moins mate et traînante aurait peut-être pu sauver la production, mais, tristement, on constate encore ici que George Clooney est plus habile devant la caméra que derrière. À ce jour, nous ne comprenons toujours pas comment son Monuments Men a pu être si mauvais... La réponse qu'on constate d'emblée, mais qu'on ne veut peut-être pas s'avouer encore : Clooney n'est pas un bon réalisateur.
Il faut dire, par contre, que Matt Damon s'avère particulièrement convaincant, voire inquiétant, dans le rôle d'un père de famille dérangé. L'acteur joue habilement avec les limites de son personnage. Il est en apparence plutôt équilibré mentalement jusqu'à cette scène finale, à table avec son fils, où son caractère instable arrive à nous donner froid dans le dos.
Est-ce que Suburbibon aurait été un chef d'oeuvre si Etan et Joel Cohen avaient assumé la réalisation? Non, la réalisation n'est pas la seule faille du film, mais peut-être auraient-ils pu éviter le flop dont nous sommes témoins (ou victimes?) aujourd'hui...