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Critique Bellamy
On reconnait bien la touche de Chabrol qui de film en film utilise l’éternel recommencement, le film creuse ainsi le même sillon et expose avec l’humour habituel de ce réalisateur (humour cynique) le mal qui puisse titiller les petites familles bourgeoises. La force du film repose donc essentiellement sur le commissaire Bellamy interprété de façon magistral par un Depardieu parfait et jouant (est ce fait exprès?) un personnage fragile et vieillissant, dont sa performance aussi belle soit elle nous rappelle en quelque sorte celle qu’il avait offert dans Les temps qui changent de Téchiné, faut dire qu’il y avait longtemps que l’on ne l’avait pas vu aussi touchant.
Amateur de ce genre de film, dont il arrive à en tirer le meilleur à chaque fois, Claude Chabrol réussit donc toujours à concocter d’une main de maitre des films n’étant certes pas toujours aussi égaux qu’il n’y parait mais tout aussi appréciable, tant le scénario (ce qui est le cas de Bellamy) est bien ficelé, ce qui permet de nous maintenir en haleine toute le long du film mais aussi avec un casting haut de gamme, en bref un genre de film dont le cinéma français n’avait pas trop l’habitude ces derniers mois de nous offrir, surtout quand on sait que Claude Chabrol attendait depuis des lustre de tourner avec Depardieu, seul grand acteur à n’avoir jamais tourné avec lui (il a tourné avec Brialy, Serrault, Poiret, Belmondo…) dont il arrive à utiliser tout le potentiel de la star, les deux arrivant donc à donner leur meilleur de leur savoir-faire sans le moindre relâchement, Depardieu étant donc filmé sans que le réalisateur ne le quitte du regard, souhaitant ainsi tirer au mieux la présence de ce géant du cinéma français. Il arrive à filmer avec magnificence la carrure de Depardieu qui devient de plus en plus imposant (avis personnel) et donc impressionnante encore plus.
Surtout que Chabrol n’a pas choisit un film assez simple pour sa première participation avec Depardieu, il s’agit d’un projet amitieux dont il faudrait plusieurs films pour pouvoir en tirer tout le potentiel et tout les personnages à leur maximum, se tournant plus vers le théâtral que le réalisme, permettant d’aborder de nouvelles possibilités via des personnages qu’il présente comme stéréotypés, la pin-up esthéticienne, le dentiste homosexuel… allant même à approfondir les clichés via l’utilisation de noms théâtrale: Nadia Sancho, Paul Bellamy et Jacques Lebas, certains font malheureusement office de simple figurant, mais cela permet à Chabrol de n’épargner personne et nécessaire pour l’avancement dans l’élucidation de l’affaire criminelle, même si certaines situations semblent assez tirés par les ficelles, comme la vendeuse dans le magasin de bricolage et certains rôles ne sont présents que pour entretenir le doute, ainsi on se pose la question du chirurgien qui aurait très bien pu avoir été sollicité pour refaire le portrait des brigands.
Pour ce qui est du scénario, les dialogues que le réalisateur a écrits avec sa complice sont joués avec une légèreté déconcertante de la part de Depardieu, si bien que le spectateur boit chaque phrase comme un apaisement sonnant comme une agréable mélodie. Mais Depardieu est aussi aidé par un brillantissime Jacques Gamblin qui dispose d’un potentiel gentillesse et douceur qui apaisent à l’écran mais qui sont ici effacées au profit d’un personnage beaucoup plus sombré et torturé , permettant de découvrir des nouvelles facettes de ce comédien hors-pair, de la même façon, Clovis Cornillac surprend avec un jeu moins outrancier et donc meilleur à suivre que d’habitude, son personnage avec cette «gueule» et ce physique se range dans la droite lignée de ce qu’il faut pour répondre à Depardieu (ca change du dernier Astérix), a noter que le rôle de Gamblin réserve de nombreuses surprise, tant le film dispose d’un double jeu de miroir, étant surtout basé sur les résonnances entre les différents personnages, mais aussi des échos de plus en plus forts entre les motivations, les amours… La boucle est donc boulée surtout à la fin (logique) lorsque le frère de Bellamy se tue avec sa voiture, Bellamy devenant le coupable moral tant il est fautif, a force de s’en être occupé et de s’être immiscé dans sa vie, plus rien ne différencie les grands hommes des escrocs. Certes, on pourra regretter les beaux films de la grande époque de Chabrol, comme Le beau Serge, Le boucher… certes le réalisateur a un peu tendance ces dernières années à se répéter en ressortant aussi toujours le même ton (basé aussi bien sur l’ironie que l’acerbe) mais avec Bellamy, Chabrol se rapproche de ses polars d’antan, qui allient mystères, humour et émotion le tout dans une seule intrigue. On regrette que la mise en scène reste parfois un peu trop pépère, contenant de nombreux plans fixes et de tirades étant très théâtrales, mais cela n’enlève en rien le fait que Chabrol soit un admirable conteur, cherchant surtout à raconter un histoire qui tient vraiment la route, de façon simple et clair, donnant le sentiment d’être un témoin privilégié dans cette affaire, amenant le spectateur a enquêter de lui-même, ne révolutionnant pas le cinéma mais étant en sans aucun doute beaucoup mieux que ce que l’on voit en ce moment, juste divertir, ne dit on pas que les bons réalisateurs sont ceux qui font perpétuellement le même film tout en essayant à chaque fois de l’améliorer, on peut (et ce déjà avant ce film) dire que Chabrol en fait partie, malgré quelques accidents de parcours (comme tout réalisateur) mais ce n’est pas le cas ici, étant ainsi une de ses œuvres les plus abouties.
La seule alternative que propose Chabrol pour échapper aux vices de la bourgeoisie est une croisière en Egypte que la femme de Bellamy essaye de prendre avec lui et on ne peut que comprendre la décision du maitre de préférer rester pour se consacrer à l’étude tellement plus prenante et intéressante de la cruauté de l’esprit humain.