Un documentaire, par définition, est une oeuvre à visée pédagogique ou commerciale, un film censé nous ébranler, nous toucher, nous scandaliser ou, au pis, nous sensibiliser. Bébés n'élabore aucun constat planétaire et ne provoque aucune réflexion subversive, il ne fait qu'observer différents bambins évoluer au rythme de leur communauté respective. La question qu'on pourrait se poser : est-ce suffisant? Faut-il être provocateur, agressif comme un Michael Moore ou un Morgan Spurlock, pour engendrer un quelconque intérêt du public?
Le long métrage brosse une année dans la vie de quatre bébés, du jour de leur naissance à leurs premiers pas. Les quatre bambins proviennent de quatre pays différents; Ponija vient de l'Afrique, Bayarjargal réside en Mongolie, Mari à Tokyo et Hattie a vu le jour à San Francisco.
Bien que l'on ressorte de Bébés avec une impression de manque au niveau narratif, le film révèle tout de même certaines compétences à l'échelle visuelle et parvient, malgré son absence de dialogues, à soulever une réflexion, aussi élémentaire soit-elle. Les images, qu'elles soient prises au coeur d'une ville cosmopolite comme Tokyo ou dans la précarité de la jungle africaine, sont toujours captées avec franchise et diplomatie. L'ignorance, l'inconscience de l'enfant face au monde dans lequel il évolue nous entraîne à nous questionner sur ce dernier, sans, par contre, nous convaincre de l'intérêt d'un changement ou de nous pousser à agir.
L'environnement est, sans aucun doute, un personnage important dans le long métrage de Thomas Balmes, puisque les enfants se développent en harmonie avec ce dernier, aiguisant leur intuition, leurs instincts en fonction de leur milieu. À San Francisco, dans un monde de consommation occidental, le bébé apprend à se tenir en équilibre grâce à des cours particuliers, à des formations spécialisées, alors qu'au même moment sur le continent Africain, le gamin, de quelques mois, découvre qu'il ne faut pas se nourrir des excréments d'animaux qui couvrent le sol. Bien que ces deux réalités peuvent secouer notre vision nord-américaine des choses, la caméra, toujours respectueuse des modes de vie de chacun, nous entraîne à respecter et à concevoir positivement la différence.
Le film nous fait découvrir, dès ses prémisses, que nous naissons semblables et qu'au rythme des cultures, des religions, des croyances de notre milieu nous finissons par devenir des citoyens du monde avec nos propres valeurs, notre propre moralité. L'oeuvre nous permet de considérer les peuples, au-delà du nouveau-né, de spéculer sur l'avenir de chacun, sur ses forces et ses faiblesses. Un manque constant de structure vient par contre, à un certain moment, freiner la réflexion, comme si cette dernière n'avait pas été effectuée jusqu'au bout, qu'on avait, en fin de parcours, eu certains doutes sur les thèses que l'on proposait.
Pour répondre à la question soulevée en introduction : je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'être menaçant pour produire un bon documentaire, mais pour soulever une réflexion salutaire, il faut établir un système actanciel conséquent et faire transparaître dans l'image toute l'honnêteté de nos suppositions, ce que, malheureusement, Bébés n'arrive qu'à faire à moitié. Il aurait peut-être été intéressant de développer davantage sur le futur du monde, sur l'avenir que connaîtront nos enfants et les enfants de nos enfants. Avec cet empressement de sauver la planète, cet esprit de désordre qui règne depuis un certain temps sur le monde, il est légitime de ce questionner sur le sort qui attend les plus jeunes d'entre nous, ces bébés qui apprennent à marcher dans un monde qui ne sait que courir.
Bébés n'élabore aucun constat planétaire et ne provoque aucune réflexion subversive, il ne fait qu'observer différents bambins évoluer au rythme de leur communauté respective. La question qu'on pourrait se poser : est-ce suffisant? Faut-il être provocateur, agressif comme un Michael Moore ou un Morgan Spurlock, pour engendrer un quelconque intérêt du public?