Évidemment, la première fois qu'on entend dire que Mattel veut faire un film sur la poupée Barbie, on est un peu excédé, croyant qu'on nous proposera un autre blockbuster sans saveur pour vendre des produits trop chers. Mais, lorsqu'on apprend que Greta Gerwig réalisera le projet et que Ryan Gosling a accepté de jouer Ken, on se doute bien que ce film-ci sera différent des autres. Et, c'est effectivement le cas. Il y a un deuxième niveau bien intéressant à Barbie. On oppose le féminisme au patriarcat avec un sourire en coin, en restant tout de même dans les chemins bien balisés du divertissement familial.
La Barbie stéréotype mène une existence parfaite à Barbieland, jusqu'au jour où elle se met à avoir des pensées morbides. Elle consulte alors la Barbie bizarre, qui lui explique qu'il y a une brèche entre leur univers et le monde réel. Pour retrouver sa vie simple et sans tracas, elle devra se rendre à Los Angeles afin de trouver la personne responsable de ses idées noires. Elle se lance donc dans une aventure flamboyante avec Ken, où elle découvrira que la poupée Barbie ne représente peut-être pas les belles valeurs d'accomplissement et d'acceptation qu'elle croyait.
Le film joue avec les codes du cinéma, notamment en brisant le quatrième mur à quelques reprises. La narratrice, nulle autre qu'Helen Mirren, s'adresse parfois directement au spectateur dans la salle et lance quelques flèches aux acteurs. Nous sommes tellement peu habitués à ce genre d'interventions « divines » que chaque fois qu'elle nous interpelle, on ne peut s'empêcher de rire.
La direction artistique s'avère brillante. Le pastel et le plastique de Barbieland séduisent irrémédiablement. Les vêtements, tous inspirés de vraies tenues portées par l'une ou l'autre des Barbie ou des Ken, épatent tout autant. Les scènes tournées à Barbieland demeurent plus intéressantes que celles dans le monde réel. Il y a quelque chose de psychédélique dans l'univers de Barbie qui fascine. Les chorégraphies lors des séquences musicales sont également complètement déjantées. L'ironie y est omniprésente, et on ne peut qu'être hilare de voir ces personnages danser sur des chansons aux paroles caricaturales.
Margot Robbie fait du bon boulot dans le rôle de Barbie, mais ne brille pas autant qu'on l'aurait espéré. Dans le rôle de Ken, par contre, Ryan Gosling dépasse nos attentes. La poupée aux muscles bien définis qui ne se sent pas appréciée à sa juste valeur par sa douce et qui décide d'inculquer à ses confrères le patriarcat, organisation sociale dont il apprend l'existence lors de son passage dans le monde réel, s'avère plus souvent qu'autrement la vraie vedette du long métrage. Le personnage de Michael Cera, Allan, une poupée introduite en 1964 pour être l'ami de Ken, offre plusieurs moments désopilants. De nombreux caméos, dont un formidable de John Cena, viennent parfaire cette distribution étoilée.
Barbie mérite l'engouement dont elle jouit en ce moment. Évidemment, la pensée que ce film a été commandé pour renflouer les coffres de Mattel n'est jamais bien loin et vient irrémédiablement entacher les propos féministes de la protagoniste. Mais si on décide de laisser nos réflexions rationnelles à l'entrée du cinéma et d'enfiler les lunettes roses de Barbie, ce film fait un bien fou!