La femme de mon frère avait été une telle révélation en 2019 que nous étions impatients de découvrir le nouveau film de Monia Chokri, inspiré de la pièce Babysitter de Catherine Léger. La réalisatrice nous plonge dans un univers complètement différent de la dernière fois. On s'approche ici davantage du conte, de l'allégorie; l'humour noir rencontre l'horreur post-moderne de série B et la déconstruction des genres. Dire que Babysitter est une oeuvre accessible serait se mettre la tête dans le sable. Ce n'est pas un film nécessairement facile à comprendre, mais son esthétisme hallucinant et son propos important nous permettent d'aller au-delà de son étrange imperméabilité.
Le film raconte l'histoire de Cédric qui perd son emploi chez Ingénierie Québec après avoir fait une blague sexiste qui devient virale. Encouragé par son frère à faire une réflexion sur sa masculinité toxique, il décide d'entamer l'écriture d'un livre qui se veut révolutionnaire. Nadine, sa femme, ne dort presque plus depuis la naissance de leur premier enfant. En manque de rêve et d'adrénaline, elle se laisse tenter par les jeux étonnants initiés par leur nouvelle babysitter.
Monia Chokri fait preuve d'une grande créativité dans sa réalisation. Babysitter ne ressemble à rien d'autre. Et, pour cela, on doit saluer l'audace de la cinéaste qui ose explorer des avenues moins convenues, plus choquantes et détonnantes. Par contre, on ne peut nier qu'on aurait apprécié une ligne directrice mieux définie, un discours un peu plus cartésien. Au fil de ses (magnifiques!) figures de style, elle perdra irrémédiablement quelques spectateurs confus.
La cinéaste attaque de front la misogynie, sans compromis, avec une verve cinglante et une originalité fracassante. Elle propose plusieurs points de vue sur le sujet et démolit les stéréotypes avec vélocité. Mais, encore là, les assises du contenu se perdent parfois dans les fioritures du contenant.
Patrick Hivon apporte une nuance au protagoniste qui nous empêche de le juger trop rapidement. Monia Chokri, de son côté, est touchante et drôle dans le rôle d'une mère au bout au rouleau, mais c'est Nadia Tereszkiewicz qui crève l'écran sous les traits d'une jeune femme ingénue, engagée comme babysitter, qui devient le catalyseur de la transformation des personnages. Elle est à la fois le cliché de la femme libérée et l'objet ultime du désir. La comédienne française fait un travail remarquable pour incarner ce stéréotype vivant.
Babysitter mérite qu'on s'y attarde, même si on risque de s'y brûler. Comme toutes ces choses trop belles, ce film n'est pas facilement accessible, mais il nous procure une émotion indescriptible, assez grisante.