Avant que mon coeur bascule possède tellement de lacunes, tant d'imperfections qu'il est difficile de voir ses qualités. Un film de peu de mots comme celui-ci, un film qui cherche à toucher dans le silence et dans une latence sensible - et pourtant théoriquement crédible - devrait nous émouvoir davantage. Le drame de Sébastien Rose n'y arrive pourtant qu'à quelques instants bien précis et trop rares. Le reste de l'oeuvre semble une longue complainte insaisissable d'une existence décolorée et du destin mal tracé d'une adolescente délinquante.
L'histoire de cette jeune femme réfractaire n'est pourtant pas aussi anodine que le résultat fade peut nous laisser le croire; malgré ce personnage caractériel et mésadapté qui peut susciter l'intérêt de certains - et peut-être même la sympathie -, le récit s'essouffle rapidement et ne nous laisse que quelques intrigues molasses auxquelles s'accrocher (une dette impayée et une mort sur la conscience). Le fait qu'on ne nous donne que très peu d'informations sur le passé de l'héroïne influence également notre perception du film. Sans faire son apologie, on aurait pu introduire quelques éléments de son passé, les raisons - ou une tentative d'explication - qui l'ont menée au fond du gouffre. Ainsi, peut-être que la protagoniste nous aurait paru plus sympathique, plus attachante.
Les techniques utilisées par Rose pour développer son récit ne sont pas non plus tout à fait contrôlées. Après la mort d'un personnage, il n'est pas surprenant de le voir revenir sous forme d'hallucination ou de fantôme, mais ici, les apparitions d'Alexis Martin après le décès de son alter ego sont si sporadiques et inutiles qu'on se questionne sur la fonction d'une telle métaphore. L'absence de musique, d'ambiance sonore dans plusieurs scènes - censé intensifier la situation - ne fait que créer un gouffre plus important entre le spectateur et la fiction. Un film de peu de mots, de peu d'artifices, mais aussi, de peu de contenu.
Même le jeu des acteurs est entravé par ce vide ubiquiste qui assiège le film. La jeune Clémence Dufresne-Deslières est crédible dans le rôle de Sarah, mais manque certainement de l'appui nécessaire de la narration pour permettre à son personnage de briller. Sophie Lorain, que l'on n'avait pas vue devant la caméra depuis Maman Last Call en 2005, est également freinée par la morosité et l'aspect stagnant de l'oeuvre. Elle parvient tout de même à nous faire croire à cette femme amère et tourmentée, mais le personnage ne s'élève pas au-delà du convenu. Sébastien Ricard est peut-être celui qui se démarque le plus avec son interprétation vibrante et désarçonnante d'un criminel de bas étage, sans valeur. ni principe. ni contrainte.
En 2008, Sébastien Rose nous avait livré un film brillant, subtil et poignant; Le banquet. Aujourd'hui, le réalisateur semble perdu entre trop en dire ou pas assez et trop en faire ou pas assez. Avant que mon coeur bascule aurait nécessité quelques resserrements et plus de précision quant au message qu'il tend à livrer. On ressort de ce film avec une désagréable impression d'inachèvement qui ne fait que s'amplifier plus on y réfléchit.