Passer du court au long métrage n'est pas toujours évident. Il s'agit de deux formes d'arts complètement différentes. Bien que la cinéaste Marianne Farley ait fait sa marque dans le court (notamment grâce à l'émouvant Marguerite, nommé aux Oscars en 2019), elle cherche encore ses repères dans le long avec Au nord d'Albany.
Le film débute sur des chapeaux de roue. Un drame est survenu, poussant une mère (Céline Bonnier) à prendre la poudre d'escampette avec ses deux enfants (Zeneb Blanchet et Eliott Plamondon), quittant Montréal pour le soleil plus clément des États-Unis. L'introduction met la table au suspense, à coup d'ellipses et de dialogues mystérieux. Malheureusement, la crédibilité n'y est pas. Non seulement le pot au rose se devine aisément, mais la motivation de l'héroïne a peu de sens. Dix petites minutes et l'intérêt a déjà fondu comme neige au soleil.
Le récit se transporte en territoire américain, alors que la voiture de notre famille tombe en panne près d'un minuscule village des Adirondacks. Commander la pièce prendra quelques jours et le trio n'aura aucun autre choix que de fraterniser avec un mécanicien irascible (Rick Roberts) et sa fille adolescente (Naomi Cormier). Tout le monde souffre et ces rencontres fortuites seront bénéfiques de part et d'autre. À condition, évidemment, d'arrêter de fuir les répercussions du passé.
Extrêmement chargé, le scénario de Farley et de Claude Brie (9 le film) traite de thèmes importants comme la fuite, la perte et la difficulté de bien élever ses enfants, mais également d'homosexualité, d'intimidation, de violence par les armes à feu, etc. Les concepts trop nombreux sont abordés superficiellement au détour de situations attendues et de personnages un peu schématisés, qui va de la mère au grand coeur dépassé par les événements au père réparateur qui est incapable d'arranger ce qui ne va pas dans ses relations familiales...
Malgré l'aspect bidimensionnel des êtres en place, leurs interprètes livrent des performances sincères. Céline Bonnier est un de nos joyaux nationaux et elle atteint des sommets lors de moments où le silence triomphe des mots. Même constat du côté de Rick Roberts, sorte de mélange entre Bill Pullman et David Strathairn, dont le doux regard laisse des traces. Cela se complique un peu chez les plus jeunes, qui forcent davantage le jeu. Ce n'est toutefois pas le cas de Zeneb Blanchet, magnétique en ado mal dans sa peau.
Sur le plan technique, Marianne Farley cherche encore son style, essayant des choses avec sa caméra et son montage. Cela va finir par débloquer. Sa marque est déjà plus assumée au niveau sonore, accompagnant les situations de séduisantes pièces musicales. Puis il y a la jolie photographie qui tente de replacer l'être humain au coeur de la nature. Celle qui domine et qui finit par avoir le dernier mot.
Peut-être qu'avec une introduction réussie, il aurait été plus facile d'entrer dans cette histoire où les secrets sont légion. Au lieu de cela, le cinéphile demeure simple spectateur et il n'est que rarement investi par les quêtes et les souffrances de ses personnages. Le script apparaît trop écrit et lorsque l'émotion coule enfin à flots à la toute fin, il manque souvent de naturel pour véritablement émouvoir. Dommage parce qu'Au nord d'Albany comportait un potentiel certain quelque part dans ses entrailles.