Présenté au FNC le mois dernier, ce long métrage du réalisateur belge Vincent Lannoo est une proposition cinématographique unique, subversive et audacieuse, qui déstabilise profondément. Souvent drôle, à travers une ironie évocatrice qui découle d'une bonne maîtrise des procédés cinématographiques, et souvent choquant par son traitement sans pitié des membres du clergé et de leur hypocrisie, le long métrage propose un mélange des genres unique qui fait réfléchir. Et qui choque. Et qui fait rire.
La scène d'ouverture donne déjà le ton : deux prêtres regardent la caméra tout en demandant à leurs paroissiens des dons démesurés pour aider leur Église. Une animatrice de Radio Espoir Chrétien, Élisabeth de la Baie, accepte d'héberger l'un d'entre eux, qui se lie d'amitié chrétienne avec son fils, qui décide d'appeler dans l'émission de radio de sa mère pour lui dire qu'il croit qu'il est homosexuel. À partir de là, le film emprunte autant à la comédie qu'au film d'action, et tout est soudainement possible (donc particulièrement imprévisible).
Est-ce dans l'air du temps que d'ainsi ridiculiser l'institution chrétienne? Sans doute, mais Au nom du fils le fait d'une manière si détachée - ce sont les responsables qui se ridiculisent eux-mêmes, la caméra ne faisant, en apparence, que capter des phrases toutes faites que l'on reconnaît - que l'exposition du problème ne paraît pas trop appuyée. Le ton du scénario, co-signé par Philippe Falardeau et le réalisateur, évite aussi d'être trop polarisant, même s'il ne saurait y avoir de doute sur le sous-texte.
Lannoo n'hésite pas à prendre des libertés inhabituelles au cinéma pour souligner son propos, se montrant sans pitié, même face aux enfants, et poussant toujours plus loin sa dénonciation de l'hypocrisie. Trop loin? Ce serait trop facile de dire que oui. La scène centrale du film, où se produit le premier bouleversement intérieur du personnage principal alors qu'Elisabeth de la Baie s'attaque au vicaire à coup de théière après qu'il eut accusé les enfants d'êtres responsables des abus qu'ils subissent - une scène que j'aurais préféré ne pas vous révéler mais qu'on voit dans la bande-annonce (beaucoup trop évocatrice, à éviter) - est un exemple probant de la maîtrise du réalisateur, qui étire aussi longtemps que possible la scène et qui la termine en grand.
Au nom du fils est donc un film drôle, unique et déstabilisant qui dénonce sans se gêner. De la même manière qu'il ne faut pas envisager le cinéma comme une représentation fidèle de la réalité, il ne faudrait pas voir en ce film un pamphlet engagé dirigé contre l'Église catholique, mais plutôt contre la bêtise et l'hypocrisie, d'où qu'elle soit. Peut-être aussi contre la dévotion aveugle. Prêchant par excès, c'est pratiquement un miracle si le long métrage demeure aussi efficace (et ne me remerciez pas pour ces deux derniers jeux de mots).