Il n'y a rien qui ressemble plus à un film de Wes Anderson qu'un autre film de Wes Anderson. Asteroid City ne déroge pas à cette règle, ce qui ravira ses fans et laissera complètement indifférents ses détracteurs.
Wes Anderson est un des cinéastes américains les plus importants et emblématiques du 21e siècle. Il est capable de traiter de sujets graves de façons ludiques, comiques et mélancoliques. Son style unique et immédiatement reconnaissable utilise toutes les possibilités de son art, pour le plus grand plaisir des cinéphiles.
Sauf que le réalisateur a commencé à plafonner et il semble incapable de se renouveler. Un sentiment de redite émane de sa plus récente production, qui se déroule en 1955 dans une ville américaine fictive et désertique. S'il y traite d'amour, de deuil et de parentalité, sa façon de garder l'émotion en retrait déçoit. On est loin de The Royal Tenenbaums et de Moonrise Kingdom.
Au contraire, le créateur du brillant Rushmore semble tout faire pour ne pas aborder ces thèmes sérieux et humains. Il multiplie les gags, les clins d'oeil, les dialogues pince-sans-rire et les péripéties pour détourner l'attention du spectateur, qui n'en a que pour sa distribution exceptionnelle (qui inclut Tom Hanks, Margot Robbie, Steve Carrell, Tilda Swinton et Willem Dafoe), dont plusieurs stars ne font que passer. Seuls Scarlett Johansson et son acteur fétiche Jason Schwatzman obtiennent un peu de chair autour de l'os. Les numéros sont drôles, cocasses et attendrissants, mais également futiles et sans conséquence.
L'homme derrière l'immense The Grand Budapest Hotel s'amuse également à rendre hommage aux années 1950, à cette époque charnière des États-Unis. Un sentiment de nostalgie en émane, que vient constamment relancer une série de sketchs qui font sourire. Un peu plus et on se retrouve devant une satire douce-amère à la Mars Attack!. Les couleurs sont vives, la photographie ressemble à des toiles d'Edward Hopper et le traitement formel stylisé est évidemment impeccable. Un sérieux problème de rythme empêche toutefois de prendre son pied.
On se surprendra à préférer l'autre histoire. Celle en noir et blanc, plus statique et théâtrale, sur l'envers du décor, alors qu'un dramaturge (Edward Norton) tente d'écrire le scénario qui deviendra celui d'Asteroid City. Une mise en abyme qui n'est pas sans rappeler celle du mésestimé French Dispatch, où Anderson se montre plus lucide et vulnérable que jamais, notamment dans sa façon de présenter la relation qui unit un auteur et un metteur en scène (qui est incarné à l'écran par Adrien Brody).
C'est dans cette relative prise de risques que ce long métrage mineur sort quelque peu du lot. S'il s'oubliera assez rapidement, Asteroid City demeure tout de même très agréable, largement supérieur à ce qui sort généralement sur les écrans de cinéma. Peut-être que son cinéaste, dont le nouveau projet The Wonderful Story of Henry Sugar sera diffusé plus tard cette année sur Netflix, devrait retourner se ressourcer au niveau de l'animation. Un registre qui lui réussit bien, comme en fait foi Isle of Dogs et Fantastic Mr. Fox.