Jennifer Lopez trouve le rôle de sa carrière dans Hustlers, un long métrage féministe décoiffant beaucoup plus conventionnel qu'il ne le laisse paraître.
Jennifer Lopez n'a jamais été prise au sérieux au cinéma. C'est sans doute un peu normal, parce que depuis l'excellent Out of Sight de Steven Soderbergh qui a pris l'affiche il y a plus de deux décennies, elle n'a jamais campé de personnages très intéressants. Jusqu'à celui de Ramona Vega, une strip-teaseuse hyper charismatique qui crève l'écran dans Hustlers. Quelque part entre le Matthew McConaughey de Magic Mike et le Burt Reynolds de Boogie Nights se trouve cette figure sexy et manipulatrice, qui représente l'idéal féminin de bien des hommes et des femmes. Sa composition délectable et flamboyante fait d'ailleurs de l'ombre à ses covedettes, dont la pauvre Constance Wu qui ne fait tout simplement pas le poids à ses côtés.
Le récit l'a parfaitement compris, rivalisant de vitalité et d'effets esthétiques afin de soutenir sa performance. Après deux créations un peu molles (The Meddler et Seeking a Friend for the End of the World), la cinéaste Lorene Scafaria se ressaisit, soignant sa mise en scène, développant une trame sonore accrocheuse. Les fans de Martin Scorsese seront en terrain connu tant la description du milieu est la même, avec ce plan-séquence qui dévoile le lieu interlope (Goodfellas, sort de ce film) et cette voix hors champ qui décrit ce qui s'y passe (l'effet Casino). Jusqu'à ce plein d'énergie salvateur et cynique à ses heures, qui n'est pas sans rappeler The Wolf of Wall Street. Le résultat s'avère divertissant à défaut d'être très original.
Le scénario en forme de montagnes russes manque toutefois de profondeur, de complexité et de nuance. Si cette histoire vraie sur un groupe de femmes qui arnaquent de riches hommes va plus loin que les récents et décevants The Hustle, The Kitchen et autres Ocean's 8, sa simplicité psychologique l'empêche d'emprunter des chemins plus féconds et sombres, comme pouvait le faire le mésestimé Widows. Reste alors un discours un peu lisse sur les luttes de sexe, la libération et la solidarité féminine, où la quête de pouvoir se permet de renverser les stéréotypes en place.
Encore là, rien à redire sur le plaisir éprouvé, ce malin amalgame d'humour et de vengeance célébrant l'amitié avec un grand F. Sauf que la construction dramatique qui mélange les temporalités fait dans l'esbroufe, se terminant de la façon la moins subtile possible avec un discours moralisateur. Sans doute qu'il s'agit d'un clin d'oeil à The Big Short d'Adam Mckay, qui agit ici comme producteur aux côtés de son éternel complice Will Ferrell.
Plus intéressé à montrer cette sororité qui se crée plutôt qu'à véritablement explorer les rouages qui emprisonnent ces femmes dans ces « métiers » (de ce côté, mieux vaut se tourner vers le majestueux L'Apollonide de Bertrand Bonello), Hustlers demeure du côté de la lumière et de la bonne humeur en offrant une oeuvre trépidante et décomplexée, qui fait un doigt d'honneur au machisme ambiant. Il y a déjà des rumeurs d'une nomination aux Oscars pour Jennifer Lopez. Si cela se réalise, espérons qu'elle fasse meilleure figure que Elisabeth Shue, injustement écartée pour son jeu incendiaire de prostituée dans le déchirant Leaving Las Vegas.