L'école, réceptacle de toutes les angoisses.
Récipiendaire de la Caméra d’or à Cannes, « La Convocation » est du film d’auteur scandinave pur jus dans ce qu’il a de plus singulier et réussi mais aussi parfois de plus austère et hermétique. Et le cinéaste Halfdan Ullmann Tondel trahit sans peine ici sa parenté avec son grand-père qui n’est nul autre que le grand Ingmar Bergman. Le petit-fils ne singe pas son illustre héritage mais on retrouve tout de même cette propension à l’étude de caractères versée dans un cadre froid presque rigoriste.
La première partie du film nous conquiert sans peine, faisant vaguement penser à l’excellent film allemande « La Salle des profs » dans son postulat scolaire et ses histoires de harcèlement. La comparaison s’arrête là, le film prenant des directions thématiques et visuelles bien différentes et il faut avouer que notre préférence va clairement au film germanique tant celui-ci est peu aimable et parfois difficile à appréhender.
La manière de filmer cette école est admirable, pas loin de celle de l’étrange et passionnant « L’Heure de la sortie » de Sebastien Marnier. On flirte avec le fantastique, comme si cette école filmée en fin d’année durant les chaleurs étouffantes de l’été était un endroit qui broyait les esprits et les cœurs. On est dans le lugubre à l’allégorie parfois nébuleuse cependant et la dernière partie (moins réussie et trop métaphorique) en est la preuve. En tout cas, le début nous happe et s’avère convaincant, le film laissant planer le doute sur ce qui s’est passé entre les deux enfants et qui a valu aux parents d’être convoqués. Ce huis-clos oppressant à six personnages principaux (trois parents et trois membres du personnel scolaire) est bardé de non-dits et les regards et les silences nous en apprennent parfois plus que les paroles en elles-mêmes. Le mystère est là et on a envie de savoir de quoi il retourne...
Sauf que le temps passe et celui-ci s’épaissit. Tondel choisit d’être elliptique sur les faits, de faire douter le spectateur, la perspective change souvent et on ne sait pas trop à qui nous raccrocher. C’est un sentiment agréable et les informations sont distillées au compte-gouttes, ce qui nous laisse la possibilité d’échafauder différentes issues et scénarios possibles. Sauf que « La Convocation » restera une œuvre au tenants et aboutissants qui resteront parfois obscurs, pas mal de zones d’ombres demeureront en effet non élucidées ou basées sur des suppositions. Les acteurs sont tous époustouflants notamment Renate Reinsve, le prix d’interprétation cannois d’il y a trois ans pour « Julie en 12 chapitres », qui nous gratifie de l’un des fous rire gênants les plus longs de l’histoire du cinéma. Une scène malaisante comme beaucoup d’autres dans le film, amplifiée par ces cadrages et un grain de l’images particuliers.
Puis, au bout d’une bonne heure, le film et son script commencent un peu à tourner en rond. Et Tondel, dans des digressions quelque peu absconses et nombrilistes, prend la direction de l’onirisme. De cette manière, il rend son film encore plus délicat à apprécier. Plusieurs séquences sont vraiment étranges, censées représenter l’état d’esprit des protagonistes mais elles alourdissent considérablement l’ensemble. Quand vient le final, tout aussi métaphorique mais plutôt réussi, qui éclaircit (un peu) cette affaire en rebattant les cartes, on est soulagés car on commençait à trouver le temps long et tout cela quelque peu prétentieux. Voilà donc une œuvre exigeante à la forme travaillée, parfois un peu trop, qui nous captive une bonne partie mais qui part ensuite dans des délires clivants. Des choix qui nous ont interrogé et repoussé dans le derniers tiers rendant « La Convocation » moins réussi que prévue.
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