Le problème majeur d'Après la neige est fort probablement son manque flagrant de budget, une carence monétaire qui transparaît malheureusement dans de nombreux plans et nuit invariablement au résultat final. Comme, en tant que critique de cinéma impartiale et intègre, je me dois de juger le film sans considérer ce genre de facteurs externes, je tenterai de ne pas être influencée par ce son accidenté et ces images souvent cahoteuses qui hurlent le manque de budget, mais le défi est, vous vous en doutez, de taille.
Le récit sensible d'Après la neige, inspiré de la véritable expérience du réalisateur, mérite d'être raconté à l'écran, trouve sa place au sein d'une cinématographie québécoise humaine et universelle (au contraire de bien d'autres projets financés à coup de millions - non, je ne dirai pas L'appât). L'histoire de ce propriétaire d'une compagnie de production qui doit déclarer faillite après que le fléau du téléchargement illégal ait bouleversé l'industrie et la manière de faire de la musique, des vidéoclips (et, ajoutons aussi, du cinéma), s'avère suffisamment touchante et transcendante pour surpasser la simple anecdote. La relation difficile que cet homme, maintenant sans emploi et visiblement défait, entretient avec son fils adolescent se révèle la plupart du temps poignante et honnête, même si parfois elle tend vers un larmoiement plutôt inutile.
Après la neige est un film de peu de mots. La caméra suit les personnages dans leur quotidien sans provoquer inutilement les rencontres ou les conversations téléphoniques explicatives. Le silence est souvent un moteur d'émotions plus efficace que les paroles, certes, mais peut-être qu'Après la neige aurait bénéficié d'une mise en contexte plus serrée, de la présence d'un narrateur hors champs ou de quelques conjonctures qui auraient permis d'expliquer la suite des évènements, parfois brouillonne. La relation conflictuelle, par exemple, que le père essuie avec son fils ne nous est que très peu expliquée. On comprend qu'il a été absent par le passé, qu'il a manqué un spectacle important aux yeux de son rejeton, mais il semble tout de même manquer encore quelques informations pour provoquer l'attachement et la sympathie des spectateurs.
En plus d'avoir écrit les textes, produit le long métrage et tenu la caméra, Paul Barbeau incarne le personnage principal de ce drame biographique. Avec aucune expérience de comédien, on peut aisément affirmer que l'artiste-entrepreneur relève haut la main le défi de l'acting. Son jeu est convaincant - il incarne son propre personnage au sein d'une histoire qui est la sienne, mais ce n'est pas pour autant que la tâche est aisée. Émile Schneider-Vanier livre également une performance sentie et nous laisse croire sans aucun problème à cet adolescent frustré, mais fondamentalement bon.
Au Québec (comme partout dans le monde, d'ailleurs), on tente de plus en plus de réaliser des films sans l'appui - restreint à certains élus - gouvernemental. Il est donc évident que plusieurs productions québécoises passeront inaperçues en raison d'un budget publicitaire insuffisant et, aussi, décevront certains cinéphiles habitués à une image épurée, presqu'irréelle, que les créateurs moins fortunés n'ont pas les moyens de produire. Après la neige souffre invariablement d'un manque d'argent, mais renferme des qualités qui surpassent son fini lacunaire. Disons, tout simplement; un bon film à petit budget.