Call Me By Your Name est le Moonlight (ou Carol, La vie d'Adèle, Brokeback Mountain...) de 2017. Une histoire d'amour remarquable pour ce qui est de l'un des meilleurs films de l'année.
Ce n'est pourtant pas son histoire qui en fait une oeuvre aussi immense et renversante. En y regardant sans trop prêter attention, il ne s'agit «que» de la découverte de l'amour entre un adolescent de 17 ans (Timothée Chalamet) et un universitaire (Armie Hammer) de sept années son aîné. Un air connu - on pense beaucoup au sublime A Single Man - qui se déroule principalement l'espace d'un été, avec une finale attendue.
Son aura se trouve ailleurs. Le roman d'André Aciman a été adapté avec grâce par James Ivory, qui a investi sa classe naturelle. Une délicatesse et une humanité émanent des mots. C'est sûrement ce qui a séduit le créateur de nombreuses fresques fabuleuses, dont Maurice qui partage la même âme. Les détails périphériques (l'identité juive, l'Italie du début des années 80, la rigidité des moeurs, etc.) ne guident en aucun cas ce récit initiatique. Ils ne servent qu'à renforcer le propos qui agit déjà en vase clos. Le spectateur se love dans la bulle des deux personnages et rien ni personne ne viendra rompre cette quiétude.
Call Me By Your Name n'est rien de moins qu'un cocon de beauté, de lumière et de splendeurs. Un paradis où l'on veut aller se réfugier pour fuir la grisaille quotidienne. Le temps s'arrête, laissant la nature dévoiler ses charmes. Pour le dernier tome de sa trilogie sur le désir (après l'éblouissant I am Love et le moins marquant A Bigger Splash), Luca Guadagnino simplifie sa démarche, conviant l'esprit de Renoir et celui de Rohmer.
Moins équivaut donc à plus et le metteur en scène le prouve amplement, faisant parler ses images magnifiques et ses symboles révélateurs (les statues gréco-romaines, la fameuse pêche). Quelle idée géniale d'avoir fait appel au brillant directeur de la photographie Sayombhu Mukdeeprom, qui a fait des merveilles pour Miguel Gomes et Apichatpong Weerasethakul! La réalisation pleine de sueur devient alors fulgurante, surtout lorsqu'elle est décuplée par la trame sonore déchirante de Sufjan Stevens.
Dansant sa vie sur un succès inoubliable des Psychedelic Furs, Armie Hammer n'aura jamais été aussi juste et séduisant. Sa gueule d'Apollon ne laissera personne indifférent, et surtout pas Timothée Chalamet qui lui rend la monnaie de sa pièce. Le jeune acteur qui crevait déjà l'écran dans l'exquis Lady Bird en impose, devenant la force motrice de l'ouvrage. C'est par lui que passe l'émotion, qui rend si riche le discours mélancolique du père à la fin et qui offre une des conclusions les plus bouleversantes de l'année.
Si l'on peut regretter un ton un peu trop simpliste (entre connaissances et sentiments), une certaine superficialité des thèmes et de la psychologie des individus, ainsi qu'une représentation chaste de la passion (on est loin de 120 battements par minute ou God's Own Country), il s'agit d'un film qui se savoure comme de l'ambroisie, le fameux nectar des dieux. Une fois qu'on y goûte, on ne pourra plus s'en passer.