Traiter de façon lumineuse un sujet douloureux n'est pas donné à tout le monde. Dommage qu'en cours de route, Apapacho, une caresse pour l'âme demeure dans l'anecdote.
Trois soeurs ont la tradition de voyager ensemble. Lorsqu'une manque à l'appel, cela n'empêche pas les deux autres de partir. Un périple vers le Sud qui permettra peut-être à la famille divisée de se rapprocher...
Ce nouveau film de fiction de Marquise Lepage (Ce qu'il ne faut pas dire) débute par un long flashback sous la neige, présentant ses héroïnes alors qu'elles ne sont qu'enfants. Déjà là, le ton est lancé. Difficile de croire aux dialogues faussés et à l'interprétation chancelante des jeunes comédiennes. Tout sonne faux et ça ne fait que commencer.
Retour dans le présent et ce périple au Mexique en compagnie de deux soeurs qui semblent incapables de communiquer. L'aînée est certainement le personnage le plus caricaturé que le cinéma québécois ait connu dans la dernière décennie. Elle rouspète pour des riens, préférant l'océan à la montagne, faisant littéralement des crises d'hystérie devant les moustiques et l'eau. Pauvre Fanny Mallette qui sabote ici son immense talent! Cela ne s'améliore pas au fil du temps, avec ses rencontres avec des gens plus âgés. Peu importe si on ne parle pas la même langue, il y a toujours Google Translate pour se comprendre... Puis il y a cet enfant qui apparaît et disparaît à l'improviste, seulement pour créer de la tension artificielle.
Cela va déjà un peu mieux chez la cadette ultra émotive, qui pleure à rien, notamment en perdant sa mallette (l'objet... mais aussi sa Fanny au sens métaphorique). Cet individu possède plus d'humanité que sa grande soeur et son interprète, Laurence Leboeuf, lui insuffle une bonne dose de fragilité. Encore là, les situations qui la concernent ne sont pas très crédibles. Peu importe. Elle sort au moins de la maison et le spectateur pourra se concentrer sur la beauté des paysages et sa lumière unique. Surtout qu'elle fait la rencontre d'êtres attachants comme Rosa (Sofia Espinosa) qui aurait mérité son propre long métrage.
Au coeur de l'ouvrage se trouve une troisième soeur, qui s'est suicidée et que l'on voit par l'entremise d'ellipses. L'émotion naît de ces rares scènes, principalement par la composition habitée d'Eugénie Beaudry. Alors qu'une sous intrigue mal développée décrit les ravages de cette dépression dans l'ADN familial (avec ces parents réduits à de simples apparitions), la trame narrative privilégie constamment le moment présent, cette légèreté - et des gags qui ne font jamais sourire - au lieu d'explorer son importante problématique et ce gouffre profond qui se dresse entre les frangines. Alterner entre le dramatique et le comique est extrêmement difficile (Route 132 de Louis Bélanger y arrivait très bien) et il est salvateur de se laisser guider par la célébration de l'existence. Cela fait seulement en sorte, dans ce cas-ci, de rester en surface, d'embrasser l'anecdote.
C'est d'autant plus dommage que le récit possédait l'ambition d'aller ailleurs. Il est campé à Cuicatlan pendant la Fête des Morts, tentant même une conversation avec l'au-delà afin que les disparus retrouvent leur place parmi les vivants. Rapidement on pense aux animations The Book of Life et Coco qui permettent aux cinéphiles de changer leur conception de la mort. Malgré des moyens modestes, la riche et authentique culture mexicaine est mise de l'avant. Agrémentée d'une mise en scène qui reprend à son compte certains codes du documentaire. Sauf que le banal plancher des vaches n'est jamais bien loin et le scénario maladroit retourne s'y vautrer allègrement.
Aussi sincère que gauche et appuyé, Apapacho - qui signifie poétiquement câlin, une caresse pour l'âme- relève de la bonne idée sur papier, qui aurait dû germer plus longuement afin d'échapper aux stéréotypes qui le tenaillent. Il faudra rapidement faire le deuil du grand film que cela aurait pu être et se rappeler que la période de l'année est propice au cinéma québécois de qualité.