Une distribution cinq étoiles, un texte d'un dramaturge estimé, un sujet à faire parler dans les chaumières: Amoureux de ma femme aurait dû être un succès sur toute la ligne. On a plutôt affaire à du mauvais cinéma français, ringard et rétrograde.
Le démon du midi n'est pas seulement une crise de la quarantaine. Il frappe des gens qui ont dix, vingt et même trente ans de plus. C'est le cas de Patrick (Gérard Depardieu) qui a tout plaqué pour les beaux yeux d'Emma (Adriana Ugarte). Lors d'un souper entre amis, son vieux camarade Daniel (Daniel Auteuil) commence à l'envier, au grand dam de son épouse Isabelle (Sandrine Kiberlain).
Devant une horde de trésors français qui ne sortiront probablement jamais sur nos écrans de cinéma (comme Paul Sanchez est revenu! et Mektoub my Love), la présence d'Amoureux de ma femme fait sourciller. Sans doute qu'on y retrouve deux des plus grandes stars francophones des dernières décennies afin de satisfaire un public plus âgé et nostalgique, sauf que l'intérêt demeure là.
Surtout que sur le strict plan cinématographique, c'est le désert plat et total. Cette transposition d'une pièce de théâtre ressemble d'ailleurs à du simple théâtre filmé, banalement et sans aucune vision esthétique. Ce type de production pépère et peu ambitieuse abondait dans les années 50, avant que la Nouvelle Vague vienne tout balayer.
En laissant momentanément de côté Marcel Pagnol pour embrasser la plume de Florian Zeller, Daniel Auteuil met sa réalisation au service des mots, de l'intrigue. Malheureusement, ce qu'il proposait au théâtre n'est plus valide puisque l'art n'est plus le même. Le rythme si important de ce pseudo vaudeville fait grandement défaut, emporté par des transitions mécaniques, où le fantasme vient continuellement brouiller la réalité.
Cette échappatoire vers le rêve est desservie par un scénario primaire et douteux, qui offre quelques gags charmants et amusants qui ont tôt fait de se réduire comme peau de chagrin. Entre un clin d'oeil à Oncle Vania de Tchekhov et un autre à La terre tremble de Visconti, il y a les éternelles banalités de circonstances, les « est-ce que l'herbe est plus verte chez le voisin? » et les « mieux vaut demeurer fidèle ou profiter de la vie? ».
Tout cela ne serait pas si grave si la vision de mononcle - d'Auteuil?, de Zeller? - ne flirtait pas autant avec le sexisme, la misogynie. La jeune femme n'est là que pour aguicher le pauvre homme faible et troublé. Les sous-entendus sexuels sont nombreux, l'humour embarrassant et on se demande encore comme le tout a pu voir le jour à notre époque.
C'est d'autant plus dommage que les acteurs ne sont pas mauvais. Découverte dans l'excellent Julieta de Pedro Almodovar, Adriana Ugarte resplendit à nouveau de mille feux. À ses côtés, Sandrine Kiberlain module aisément ses crises de jalousie et Gérard Depardieu prend soin de ne pas trop en faire. Seul Daniel Auteuil cabotine, sans trop d'effet secondaire. Imaginez ce que ce quatuor de choc aurait pu faire avec un matériel digne de ce nom.
Vieillot et superficiel, Amoureux de ma femme ne ravivra aucune flamme et il n'est, heureusement, absolument pas représentatif du cinéma français actuel, nettement plus imaginatif et audacieux.