Après Easy A, on ne pouvait s'attendre à rien de moins qu'à l'excellence d'un réalisateur qui nous avait présenté l'une des comédies les plus rafraîchissantes et délurées de l'année 2010. Si Michael Bay est le roi des effets spéciaux, Will Gluck est le maître de la comédie romantique. Ce style cinématographique en est un très délicat, très épineux; un élément de trop, un point sur lequel on insiste à l'excès et l'efficacité de l'oeuvre est immédiatement compromise. Gluck semble posséder cette circonspection nécessaire à ce type d'oeuvre en apparence souple mais pourtant si ingrat.
L'une des règles d'or - j'irais même jusqu'à avancer, le précepte le plus élémentaire - est la chimie entre les deux protagonistes. Lorsqu'on ne ressent pas ce désir brûlant qui devrait régner entre les amants, l'effort est vain, jamais on ne croira à cette romance hollywoodienne censée nous divertir, faire vibrer le coeur des idéalistes. Justin Timberlake et Mila Kunis forment un duo remarquable qui n'a rien à envier à tous les Tom Hanks et Meg Ryan de ce monde. Dès les premiers instants, on s'attache à ces deux personnages, tous les deux blessés par l'amour. Timberlake nous avait déjà prouvé avec The Social Network qu'il avait sa place parmi les acteurs. Il démontre aujourd'hui (à tous ceux qui ne sont pas des habitués de Saturday Night Live; ceux-là le savaient déjà) qu'il a des aptitudes non négligeables pour la comédie, un sens du rythme impeccable (et un corps de rêve mais là, on sort du sujet...). Cet artiste mulidisciplinaire n'a pas fini de nous étonner, que ce soit sur scène ou à l'écran.
On tente au coeur même du film de dénaturer - de se moquer de - la comédie romantique elle-même en utilisant les clichés les plus flagrants, souvent pour prouver leur futilité, mais aussi pour démontrer que nous avons besoin de ces poncifs pour apprécier ce genre cinématographique : si l'amour n'avait pas triomphé nous serions invariablement sorti déçus, même probablement blasés. Il est particulièrement ardu en comédie romantique de ne pas tomber dans le cliché et de l'affronter d'une manière aussi drastique - notamment en faisant crier l'héroïne qu'elle déteste Katherine Heigl et les messages futiles qu'elle envoie dans ses films à l'eau de rose - nous font oublier tout le stéréotype de certaines situations.
Friends with Benefits est un film générationnel, pas seulement parce qu'on parle d'amour à travers le sexe mais bien parce qu'elle est gorgée de références à notre époque, à nos habitudes et à nos personnalités publiques. Dans quelques années, nous aurons (probablement) oublié ce snowboader à la crinière de feu, et ces chanteurs des années 90, qui ont bercé notre imaginaire d'adolescents, ne seront que des noms sans fondement pour les générations suivantes. Friends with Benefits est donc, contrairement à des oeuvres comme Casablanca ou Pretty Woman, un long métrage avec une date d'expiration. Bien sûr, la qualité de l'alliance des deux acteurs principaux restera pour toujours mais le sens de l'oeuvre - qui nous est transmis en partie à travers certains référents - sera dilué avec les années.
Gluck a réussi une fois de plus à relever le défi que lui avait lancé Hollywood, et a même cru bon, au cours du processus, de redéfinir partiellement les barrières de ce genre qu'il maîtrise avec une justesse qu'on pourrait qualifier de déroutante. Pas besoin de fleurs bleues, ni de promenade en calèche pour nous faire croire en l'amour, le vrai, deux jeunes adultes émotionnellement déséquilibrés et la magie de Will Gluck, et vous rêverez vous aussi à cette passion fulgurante qui vous fait croire au prince charmant.