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American yuppie
Patrick Bateman est sans doute le héros le plus détestable du cinéma. Mélange d'arrogance accomplie et de sincérité comique. C'est la révélation pour Christian Bale, qui a failli se faire voler son rôle par Leo DiCaprio (quelle horreur ç'aurait été !). Le tandem de la réalisatrice Mary Harron et de la scénariste Guinevere Turner ont réussi haut la main, et avec un mini-budget de 7M$, de retranscrire la satire féroce et l'humour noir décapant de l'œuvre subversive de Brett Easton Ellis, qui dépeint le milieu young urban american (yuppie) où il évoluait. Quand Bateman (Bale) détaille son rituel quotidien d'usage de cosmétiques, quand il rivalise avec ses copains au concours de la meilleure carte de visite ou quand il fait sa masturbation intellectuelle musicale tout en se préparant à tronçonner allègrement ses invités, on jubile. Bale est parfait pour le rôle, dans ses exercices d'amabilité forcée tout en ayant un regard froid et vide (pour l'anecdote, l'acteur a dit s'inspirer des interviews de Tom Cruise) et dans son glissement progressif dans la folie hystérique. Les autres yuppies du lot (Justin Theroux, Jared Leto, Reese Witherspoon...) sont aussi parfaitement choisis en pauvres snobs trop obsédés par leur nombril pour remarquer la dérive de notre antihéros. La musique des années 80 fait aussi beaucoup pour le film, nous entraînant dans sa dynamique dès le début, et en fond sonore bienvenu des scènes de charcutage. Comme le livre, le film a beaucoup de choses a dire sur les rapports de classes et de genres sociétaux. L'humour de la caricature forcée et presque ridicule se mêle au dégoût pour le pervers sadique raciste et misogyne qui exploite à fond les rapports de force de son statut social, un statut qui le rend du reste dégoûté de tout dans la société, et particulièrement de ceux qui lui sont inférieur. Son rôle est un cercle vicieux intéressant, que la critique rock Mary Harron, qui avait auparavant réalisé le bio-pic réussie de la féministe Valerie Solanas et de son agression de l'icône Andy Warhol (dont l'arrogance misogyne était du reste pas loin de celle de Bateman), a très bien restitué, malgré les studios américains qui lui ont mis des bâtons dans les roues.