Michael Bay retrouve la forme des beaux jours avec Ambulance, son meilleur film du présent millénaire.
Michael Bay est un peu comme M. Night Shyamalan. Ses premiers longs métrages plus que réussis ont été obscurcis par une tonne de productions douteuses, que ce soit la série des Transformers, Pearl Harbor et l'imbuvable 13 Hours: The Secret Soldiers of Benghazi. Mais avant de se perdre dans la cacophonie la plus totale, il avait lancé la carrière hollywoodienne de Will Smith (avec Bad Boys), révolutionné le film d'action (grâce à The Rock) et envoyé Bruce Willis dans l'espace (Armageddon).
Le voilà enfin qui renoue avec le succès en transposant librement une production danoise... qui aurait très bien pu être l'adaptation du populaire jeu vidéo Grand Theft Auto. Ironiquement, il devait composer avec moins de budget pour laisser sa créativité triompher. Tout est encore question de son style souvent imité et jamais égalé et de sa mise en scène réglée au quart de tour afin de créer le film le plus divertissant possible. Cela passe par un montage syncopé, un rythme haletant, des angles originaux de caméras offrant d'incroyables envolées de drones, etc.
Le premier quart d'heure, étonnamment calme et sobre chez lui, est ce qui s'est rapproché de plus près de toute sa carrière du cinéma contemplatif de Lav Diaz. Il n'en profite pas tant pour créer une profondeur psychologique à ses personnages (cela lui est bien égal) que pour laisser respirer le spectateur. Rapidement, il sort l'artillerie lourde et fait monter l'adrénaline en présentant un vol de banque qui tourne mal. Cette longue séquence d'une redoutable efficacité s'inspire directement du chef-d'oeuvre Heat de Michael Mann.
La tension s'accentue davantage lorsque nos malfrats (Jake Gyllenhaal et Yahya Abdul-Mateen II) perquisitionnent une ambulance, tenant en otage une ambulancière (Eiza Gonzalez) et un policier grièvement blessé. Les flics aux trousses, ils sillonnent les rues de Los Angeles, cherchant un moyen de ne pas y laisser leur peau. Encore là, le cinéaste puise directement dans un autre classique des années 90 - en l'occurrence Speed, dont il est passé très près à l'époque de réaliser - en créant un suspense infernal, où la vitesse ne peut qu'engendrer le chaos. Des poursuites folles tournées à l'ancienne (hormis quelques regrettables utilisations de CGI) qui auraient certainement pu figurer dans le décoiffant Ronin de John Frankenheimer.
Évidemment, il ne faut pas désirer autre chose que de l'adrénaline et de la testostérone, sinon la déception sera vive. Le récit anecdotique et répétitif traîne en longueur - 136 minutes! - et il n'est qu'un prétexte à la violence gratuite. La conclusion bâclée ponctuée de sauts dans le temps s'avère plus ridicule qu'émouvante, alors que les personnages demeurent schématisés et l'interprétation monolithique. Jake Gyllenhaal force souvent la note, pendant que Yahya Abdul-Mateen II (le protagoniste du surprenant remake de Candyman) semble dépassé par les événements. Cela va déjà mieux du côté d'Eiza Gonzalez qui éclipse aisément ses partenaires de jeu.
Pourtant, cette honorable série B fonctionne allègrement et rien ne semble pouvoir l'arrêter. Il y a suffisamment d'action, d'humour, d'invraisemblances et de scènes complètement stupides pour que les fans du genre se détournent à jamais de la série Fast & Furious et qu'ils célèbrent le retour de Michael Bay dans le droit chemin. Surtout qu'il est un des rares à rappeler que les véritables héros ne sont pas les figures intouchables développées par Marvel et DC Comics, mais bien les ambulanciers qui arpentent quotidiennement la route.