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Droits vs libertés
Quand l’affaire de l’école Bedford a éclaté au Québec il y a quelques semaines, je me suis demandé (comme beaucoup de gens) comment la direction avait pu tolérer une telle dérive sans réagir. Amal : un esprit libre nous l’explique en partie. L’action se passe en Belgique, mais la situation est similaire. C’est l’éternel débat entre le bien commun et les libertés individuelles dans un État de droits.
Le film nous tient en haleine du début à la fin. Alors que les autorités laïques et religieuses s’entendent pour désamorcer la situation au nom du vivre ensemble, le spectateur comprend que le danger ne fait qu’augmenter. Amal veut nommer les choses, ce qu’on lui refuse. Quant à la jeune fille, elle devient un problème à gérer et donc un boulet pour tout le monde. Rarement un film a si bien dénoncé l’hypocrisie du système.
Jawad Rhalib nous propose un drame social où le suspense monte constamment. Plus cette prof et cette élève se font entendre, plus l’étau de se resserre. Amal est un film coup de poing qui touche aussi bien la tête que le cœur.
Se cultiver, la vraie liberté
Après une sortie acclamée en Belgique, puis en France, Amal: un esprit libre sera officiellement présenté en salles au Québec le 27 septembre prochain.
Dans une école belge, Amal tente bien que mal d’éveiller l’esprit critique de ses élèves et de vaincre les discriminations par son enseignement. Néanmoins, ses idéologies viendront rapidement se heurter aux mœurs de certains élèves, enseignants et parents.
Le réalisateur, Jawad Rhalib, situe la limite de la tolérance et du vivre ensemble. Il aborde par le fait même les thèmes sensibles et polarisants de la liberté académique, de la laïcité et de la radicalisation religieuse.
Amal: Un esprit libre est une œuvre puissante qui interroge nos valeurs humaines et sociétales. Si le film tente de differencier la foi de l’extrémisme, il ne parvient pas à valoriser suffisamment la pratique religieuse pour transcender le racisme systémique qui pourrait teinter l’oeil d’un certain public.
Malgré tout, Amal : un esprit libre nous livre des scènes d’une émotivité percutante, à travers par moments le regard de l’enseignante et, par d’autres, celui des élèves. Lubna Azabal, que nous avons connue au Québec dans le film Incendie, livre un jeu sans faille, tout comme le reste de la distribution.
Si la réalité belge se transpose peu dans le Québec moderne, le film porte un message qui transcende les cultures et les pays. C’est d’ailleurs ce qui lui a valu le prix du Jury au Festival de cinéma de la ville de Québec.
Film coup de poing (et courageux)
Film dossier intelligent et fort. Œuvre sociale au message implacable. Long-métrage coup de poing nécessaire. « Amal, un esprit libre » est tout cela à la fois mais aussi un avertissement important pour les années à venir sur le besoin d’agir sur ce sujet brûlant qu’est le fondamentalisme religieux islamiste dans les pays occidentaux et surtout européens, avec ici la Belgique comme toile de fond. Un film venu du plat pays wallon aussi fort que pouvait l’être « Noces » il y a quelques années, une œuvre belge aussi qui montrait par le biais d’un autre sujet, le mariage forcé, les dérives sectaires et radicales d’une certaine immigration qui bafoue les lois et morales des pays occidentaux en prônant la haine et en instrumentalisant l’Islam. Dans ce film-ci, qui pourrait être une base parfaite pour un débat en classe, sur un plateau ou dans la vie après la projection, les dérives (et délires) islamistes sont illustrées par le prisme de l’homophobie à travers une élève lesbienne qui se fait harceler au lycée par ses camarades, majoritairement musulmans et endoctrinés par un professeur de religion salafiste et des parents très croyants. Une de ces professeures va la défendre et l’engrenage de haine et de bêtise va s’enclencher.
C’est une seconde démonstration de force au cinéma après l’excellent film allemand « La Salle de profs » en début d’année et, à moindre mesure, « Pas de vagues », que l’école est un laboratoire social et qu’il cristallise les futures craintes, peurs et problèmes de la société. Et qu’elle devient un endroit où le respect de l’éducation et des règles est caduc. Heureusement, « Amal, un esprit libre » est mis en scène par un cinéaste marocain, ancien journaliste qui s’est très documenté sur le sujet, et qui confère au film un réalisme qui fait malheureusement froid dans le dos quand on constate ce qui se passe dans des écoles censées être laïques et devenus peuplées d’élèves pour qui la tolérance des autres (gays, femmes, ...) et des valeurs occidentales n’existe plus. Et il a confié le rôle de la professeure qui va se battre contre cela a une actrice d’origine arabe également, l’immense Lubna Azabal. Elle trouve là l’un des meilleurs rôles : impériale avec un jeu d’une intensité incroyable. Sans cela, ce film aurait pu vite être taxé de raciste ou de manichéen, ce qu’il n’est pourtant jamais mais on connaît la bien-pensance ou l’ignorance de certains qui se voilent la face. Le constat est édifiant et fait peur pour le futur mais il s’avère presque indispensable.
Car « Amal, un esprit libre » nous délivre sa mécanique insidieuse et radicale avec beaucoup de force mais aussi de justesse. Presque documentaire, tant on a déjà vu des reportages sur le sujet, le film montre comment la religion est instrumentalisée et peut être vectrice de haine. Comment la violence va s’immiscer au nom de préceptes inventés par des fanatiques et avalés par des jeunes adultes crédibles qui voit l’homosexualité comme un péché ou une maladie à soigner. En 2024... Et comme le dit le personnage principal, c’est le début d’une tumeur qui gangrène la jeunesse immigrée et croyante et qui fait écho aux relents d’agressions homophobes, misogynes et assimilés mais surtout à l’affaire Paty. On voit aussi comment l’école n’arrive plus à gérer et comme les instances dirigeantes (principale du lycée, rectorat, ...) se révèlent impuissants ou dans le déni au nom de l’apaisement. Certains dialogues, certaines répliques font mouche comme le fait de ne plus lire, de ne plus douter et de ne plus réfléchir aboutissant à un endoctrinement facile. On montre ici aussi le danger des réseaux sociaux dans ce genre de cas ou de l’effet de groupe. Sans être trop chargé car fait de manière intelligente et évidente, le film expose son constat effrayant et nous pousse à la réflexion même s’il fait peur sur bien des aspects pour l’avenir. Une sorte d’avertissement en quelque sorte.
Bien sûr, Jawad Rhalib met un ou deux personnages en contrepoids pour ne pas être accusé de manquer de nuances même si l’intelligence du spectateur censée faire la différence est indispensable. Mais ce n’était pas nécessaire tant on sait que ce genre de choses est réel dans bon nombre d’endroits en Europe. La réalisation est certes basique, proche du documentaire mais en parfaite adéquation avec le sujet. On reprochera peut-être juste la toute dernière séquence dont on taira la teneur qui s’avère peut-être un peu trop jusqu’au-boutiste et pas forcément utile. « Amal, un esprit libre » est une œuvre rythmée, intense, forte et qui vous retourne de l’intérieur non pas par ce qu’elle montre mais par ce qu’elle dit. Elle devrait être montrée partout en guise de mise en garde si l’on n'agit pas et vite. Mais c’est aussi et avant son fond politique et engagé, un film de cinéma fort et magistral.
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