Alpha avait tout contre lui. La bande-annonce qui circule depuis un bon moment déjà est une des plus horripilantes des dernières années. Puis il y a la PETA (une association américaine qui défend les droits des animaux) qui appelle au boycottage, car cinq bisons auraient été maltraités pendant le tournage. Mais au-delà de ces considérations éthiques et publicitaires, le film tient plutôt bien la route sur le plan artistique.
En transposant le récit il y a 20 000 ans, cette création s'avançait tout droit dans le ravin habituel. Résistera-t-elle au ridicule de 10,000 BC? Tout à fait! Présentera-t-elle presque uniquement des hommes blancs? Malheureusement, oui. Et est-ce qu'on n'y parlera que l'anglais? Oh que non! On a plutôt le droit à un dialecte avec des sous-titres. Ce choix audacieux, qui rendra fiers tous les Mel Gibson de la planète cinéma, rappelle la prise de risques du long métrage, de plus en plus rare pour une superproduction hollywoodienne.
L'effort qui combine La guerre du feu, Cast Away, The Black Stallion et Life of Pi n'est pas le plus inventif. La première partie est le traditionnel récit d'apprentissage du jeune héros au sein de sa tribu, alors que la seconde l'oblige à affronter la nature et à devenir ami avec un loup afin de rentrer à la maison. Un scénario familier, mais bien mené, si l'on fait exception des dialogues appuyés et d'une finale ratée.
Car avant d'en arriver là, on aura droit à quelques passages plus sombres et violents. Ce n'est pas du Disney et c'est tant mieux. Le réalisateur Albert Hughes n'est sans doute pas étranger à tout cela. Même s'il s'agit de son premier film sans son frère Allen, on reconnaît immédiatement son apport esthétique, cette noirceur déjà bien présente sur The Book of Eli et From Hell.
Évidemment, Alpha attire surtout l'attention pour son immense soin technique. Les effets spéciaux dernier cri n'évitent pas les excès kitsch, offrant un intrigant mélange de vieux et de neuf. Il y a un souffle épique et cinématographique que n'aurait pas renié Jean-Jacques Annaud, notamment dans les prises de vue aériennes et l'utilisation du montage. On sort régulièrement de l'effort pour mieux l'admirer de l'extérieur, et ce sentiment est renforcé par la trois dimensions qui est loin - fait rare ces temps-ci - d'être accessoire.
Cela peut toutefois devenir un défaut, car au-delà des spectaculaires séquences d'action, il est parfois difficile de revenir dans l'histoire, un peu redondante et au rythme en dent de scie. Surtout que s'identifier au protagoniste campé par Kodi Smit-McPhee n'est pas toujours évident. Cet acteur, découvert dans The Road, n'est pas le plus expressif, étant capable du meilleur (Slow West) comme du pire (X-Men: Apocalypse). Il est ici aussi terne émotionnellement que vigoureux physiquement. Pas surprenant de lui préférer Alpha, ce magnifique chien-loup au visage trop mignon. C'est par lui que passe l'émotion.
D'une durée plus qu'acceptable et véhiculant de jolies valeurs, Alpha ne manque pas de coeur, tout en en mettant plein la vue malgré son intrigue passe-partout. Sur le simple plan canin, c'est moins bon que Isle of Dogs, mais nettement meilleur que Dog Days. C'est surtout largement supérieur à tout ce qu'on pouvait s'attendre de sa part. De quoi presque parler d'une surprise.