Qui eut crû un jour que James Cameron allait faire équipe avec Robert Rodriguez? Le fantasme des amateurs d'action a été exaucé avec Alita: Battle Angel, une superproduction de 200 millions de dollars. Sans être aussi catastrophique qu'espéré (la date de sortie du film a changé plus d'une fois, ce qui n'est jamais bon signe), le résultat aurait mérité d'être plus mémorable.
Surtout que les fans du manga Gunnm de Yukito Kishiro attendent cette adaptation depuis deux décennies. Et comme ce fut le cas de la récente transposition au cinéma de Ghost in the Shell, l'effort en laissera plusieurs de glace. Ce sont plutôt les néophytes qui risquent de prendre leur pied.
À priori, il n'y a rien de très original dans ce futur dystopique à la Hunger Games et Divergent, où un cyborg revêtant le corps d'une adolescente se découvre de super pouvoirs. On se retrouve devant un récit d'initiation classique à la Pinocchio. C'est prévisible et efficace, tant le scénario coécrit par Cameron vulgarise allègrement des enjeux complexes sans jamais perdre son fil conducteur. Pour des surprises, mieux vaut revoir l'immense A.I. de Steven Spielberg.
Ce n'est pas tant cet univers cyberpunk qui fascine - avec ses multiples emprunts à Blade Runner, Metropolis et Rollerball - que le soin esthétique apporté. Fidèle à ses habitudes, le père de Terminator n'est là que pour offrir une tonne d'effets spéciaux, qui se veulent particulièrement décoiffants. La technologie est devenue tellement affûtée que le synthétique devient presque réel.
Cela lui permet non seulement d'en mettre plein la vue, mais d'offrir quelques-unes des scènes d'action les plus éblouissantes et spectaculaires des dernières années. Les moments forts se succèdent à un rythme d'enfer, demeurant toujours lisibles pour les yeux : fait rare à notre époque. Surtout qu'il sait utiliser la 3D mieux que quiconque. Plus la salle de cinéma sera grande et sophistiquée et plus l'immersion s'avèrera totale.
Coincé dans le siège du réalisateur sans nécessairement avoir les mains sur le volant, Rodriguez a peu de matière pour faire ressortir son style unique. Il y parvient toutefois lors d'affrontements plus violents, ou quand vient le temps de faire triompher l'humour enfantin. On le sent surtout s'amuser sans se pasticher, ce qui n'était jamais arrivé depuis le premier Sin City. Sans doute que le spectre des Wachowski n'est jamais très loin, sauf que ce sont des influences pleinement assumées.
Aperçue dans les deux derniers épisodes de The Maze Runner, Rosa Salazar séduit dans le rôle-titre. Son mélange de force et de vulnérabilité en fait une héroïne aux gros yeux plus intéressante que la moyenne. Elle campe une entité beaucoup plus humaine que son soporifique partenaire de jeu Keean Johnson. Le duo est entouré d'excellents acteurs - Christoph Waltz, Jennifer Connelly, Mahershala Ali - qui n'ont pas grand-chose à se mettre sous la dent tant leurs personnages s'avèrent monolithiques.
Tout cela ferait de cette production un divertissement de classe. Cela se gâche dans la seconde partie du long métrage. Déjà que l'histoire n'est pas terrible, elle se laisse envahir par des largesses difficilement excusables. Évidemment qu'une romance ridicule va faire dérailler le projet. Sinon ce sont des prétextes risibles qui feront soupirer (la maternité a le dos large), au même titre que des répliques creuses du type « Ce que je veux ne se trouve pas là-haut » et « Ne te sens jamais mal d'être ce que tu es ».
À l'instar d'Avatar, Alita: Battle Angel vaut principalement le détour pour ses effets visuels, extraordinaires. Malgré ses nombreuses imperfections, on espère presque que l'effort fasse suffisamment d'argent pour qu'une suite voit le jour. Parce que le grand méchant s'annonce déjà dantesque...