Cela avait tout de la blague. La populaire actrice française Valérie Lemercier, spécialisée pour ses comédies loufoques, qui réalise un biopic sur Céline Dion tout en tenant le rôle principal. Impossible de prendre un tel projet au sérieux. Pourtant le film qu'elle en a tiré fonctionne parce que son amour sincère envers son sujet transcende l'écran.
Le long métrage débute dans les clichés afin de les utiliser à des fins de dérision. C'est la représentation du Québec par nos cousins européens, ce qui comprend évidemment la cabane dans le bois, une chanson de Robert Charlebois et une grosse famille où les enfants portent tous des noms interchangeables. C'est là qu'on fait la connaissance d'Aline Dieu, incarnée par Valérie Lemercier dès l'enfance! Une touche de fantaisie qui fait rapidement boule de neige, créant une absurdité chronique et salvatrice qui fait mieux accepter la répétition volontaire de gags (ah, le Vatican) et des situations.
Le traitement de la première partie est tellement charmant, attachant et rafraîchissant qu'on regrette qu'il ne perdure pas plus longtemps. En effet, dès que le gérant (Sylvain Marcel) prend plus d'importance et, surtout, que le succès cogne à la porte, l'effort devient de plus en plus commun et traditionnel. Personne ne s'attendait à une vision flamboyante et fantasmée digne de Pablo Larrain (Spencer, Jackie), mais c'est le jour et la nuit entre l'introduction qui ose et le reste du développement qui ne le fait que rarement, traînant en longueur dans le désir de raconter toute une existence - forcément de façon superficielle - au lieu de s'attarder à seulement quelques pans importants.
C'est ironiquement lorsque les moments de pastiche se calment pour laisser émaner des sentiments plus humains comme la solitude, l'amour et le désir d'éternité que le transfert s'effectue. Le quotidien glamour des grands de ce monde est filmé au détour de satires appuyées sur le vedettariat et les médias. Une brise sentimentale proche du conte de fée souffle sur la production, embrassant volontairement la romance fleur bleue et le kitch qui fait sourire. Des effets ringards qui arrivent néanmoins à véhiculer l'émotion désirée, décrivant sans doute les relations tendres et affectueuses de ce couple atypique.
Réalisatrice inégale dont les belles promesses des débuts (les séduisants Le derrière et Palais royal!) se sont considérablement amenuisées au fil des dernières années (avec les pénibles 100% cachemire et Marie-Francine), Valérie Lemercier se ressaisit enfin. Peut-être pas au niveau de la mise en scène, assez routinière et loin de ses modèles avoués ou pas (l'hilarant Guy d'Alex Lutz, même le légendaire Le fabuleux destin d'Amélie Poulain)... quoi que le budget confortable permet de riches recréations d'époques et l'apport de mélodies évocatrices (parfois à mille lieues du répertoire de Céline Dion).
Mais certainement sur le plan de l'interprétation, plus posée et moins criarde que d'habitude, dont le jeu rappelle son travail exemplaire dans le trop peu connu Main dans la main de Valérie Donzelli. Évidemment, il faut accepter son accent assez particulier et même déroutant. Une fois que c'est fait, on découvre une filiation évidente entre sa personnalité et celle de son modèle, prenant possession de son âme et de son corps sans trop se perdre dans l'imitation de circonstance. À ses côtés, Sylvain Marcel fait belle figure, tout comme l'ensemble de la distribution québécoise qui comprend notamment Danielle Fichaud et Roc Lafortune.
À la fois classique et hors norme, Aline n'est pas à un paradoxe près, se tenant en équilibre constant entre la farce et le film de fan. Contre toute attente, Valérie Lermercier a remporté son pari particulièrement casse-gueule. Même les gens qui n'aiment pas la musique de Céline Dion risquent d'en soutirer un plaisir certain.