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Pervers narcissique: mode d'emploi.
Ils courent les rues, enfin les écrans, les films féministes depuis une demi-douzaine d’années. On le sait, depuis l’affaire Weinstein et le mouvement MeToo, les langues se délient et la parole des femmes (victimes comme féministes) se répercutent sur toutes les strates de la société et notamment dans la culture et donc au cinéma. Seul souci dans cette lutte légitime : on frôle parfois l’indigestion tant cela devient presque un automatisme voire même une mode. Mais quand c’est est bien fait, ça reste nécessaire et passionnant comme dans « She said » qui revenait justement sur l’affaire Weinstein ou « Ce qu’elles disent » de Sarah Polley, tous deux sorties récemment. Ou encore par le prisme de l’horreur et du fantastique, comme dans l’immense et métaphorique « Men » d’Alex Garland, injustement boudé en salles. Et c’est également le cas ici avec « Alice, darling » qui traite frontalement d’un fléau vécu par certaines femmes : la masculinité toxique avec ce qu’il y a de pire, le pervers narcissique et la violence psychologique qui va avec.
Et rarement on a vu œuvre le faire aussi simplement et objectivement dans un film qui ne soit pas un thriller, même si ici il y a quelques aspects de suspense au détour de certaines séquences avec la tension provoquée par relation toxique comme celle retranscrite ici. « Alice, darling » est court et va à l’essentiel mais le fait bien. C’est comme une synthèse de ce que ce type de caractère masculin pouvait avoir non seulement comme conséquences sur la femme mais aussi dans les mécanismes d’action sournois et manipulateurs de ce type de mâle. Tous les mécanismes de l’emprise sont ici brièvement mais concrètement exposés. Le moindre sursaut avec le téléphone qui sonne, le qui-vive permanent, la peur de chaque parole ou réaction, devoir mentir pour vivre, ... Mais également chez l’homme, ce manque de confiance en lui et ce besoin de posséder quelqu’un dans tous les sens du terme. L’aspect psychologique est intense et bien rendu et Anna Kendrick livre une prestation impeccable, toute en fragilité et souffrance. Le choix de Charlie Carrick pour ce prédateur est aussi très bon car il mêle beauté et raffinement tout en inspirant la crainte mais de manière nuancée. Être excessif et manichéen n'aurait pas servi le film et de ne pas trop charger le portrait est une qualité.
On aurait aimé cependant que le film soit peut-être plus long pour davantage creuser la personnalité de cet homme et donner des clés de compréhension à ce comportement. Donner un contrepoids masculin (sans l’excuser) au personnage. A la place, le film nous offre une sous-intrigue d’ailleurs totalement inutile et hors propos (la fille disparue) pour ajouter un peu de suspense à une intrigue dramatique et psychologique qui n’en avait pas besoin. La mise en scène de Mary Nighy est appliquée et simple et manque peut-être un peu de personnalité. L’ambiance est anxiogène et certaines scènes pourtant anodines développent une tension palpable jusqu’à un final d’une puissance extrême qui fait froid dans le dos tout en procurant du bien et une forme de délivrance au spectateur et au personnage principal. « Alice, darling » est un film qui montre ce type de relation toxique sous un jour véritable et nécessaire. Il est même d’utilité publique pour toutes les victimes de ce type de rapport.
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