À consommer sans modération, Alcootest (le titre original danois est Druk, qui a été doublé en anglais par Another Round), est un film euphorisant au possible, qui rappelle que Mads Mikkelsen est l'un des plus grands acteurs de sa génération.
Le cinéaste Thomas Vinterberg sera éternellement associé à Festen (1998), ce classique du Dogme sur une fête qui tournait bien mal. Deux décennies plus tard, après son lot de ratages (Dear Wendy, It's All About Love), de réussites (La chasse, Submarino) et d'essais ordinaires (La communauté, le remake de Far From the Madding Crowd), le voilà de retour avec une autre marquante célébration dont les conséquences seront fâcheuses.
Il est cette fois question du mal de vivre de quatre amis quadragénaires qui décident de consommer régulièrement de l'alcool pour être mieux. Cette prémisse aurait pu s'apparenter à une sorte de Hangover distillé par Apatow. Mais pas dans les mains de Vinterberg et de son fidèle complice Tobias Lindholm (également auteur et réalisateur des remarqués A War et A Hijacking) qui relèvent sans cesse ce cocktail.
Débutant par une citation de Kierkegaard, le long métrage en est un de souffrances latentes et de rêves brisés. Face à la pression de la société pour réussir et son hypocrisie à encourager les plaisirs de Dionysos afin de se soulager, des hommes se libèrent au lieu d'affronter leurs responsabilités. Les blessures demeurent au sein de ces écorchés, la mélancolie hante chacun de leur regard, mais une éternelle camaraderie ressort de leur monotonie.
Une complicité qui n'est pas sans rappeler quelques chefs-d'oeuvre de Cassavetes. La distribution exemplaire est dominée par Madds Mikkelsen. S'il est surtout connu en Amérique du Nord pour incarner les méchants (Doctor Strange, Casino Royale, il remplacera Johnny Depp dans la série Fantastic Beast), son registre est beaucoup plus large, surtout en sol danois (comme en font foi les impressionnants Après la noce, Valhalla Rising et Liaison royale). Ses retrouvailles avec le créateur de La chasse font à nouveau des flammèches et l'acteur investit complètement sa fragilité, son charme et sa sensibilité.
Construite à la façon d'une séance de beuverie, la mise en scène débute dans la joie et l'allégresse, recourant à un montage souple et dynamique. L'ivresse du bonheur monte peu à peu, les inhibitions sont écartées du chemin et quelques plans évoquent littéralement le divin, à grand renfort de choeurs et de mélodies classiques. Puis un mur est heurté - le fameux verre de trop - et la comédie se cristallise peu à peu en tragédie. Les lendemains de veille offrent tout un mal de tête à ceux qui se sont trop enivrés.
En louangeant puis en condamnant les effets de l'alcool, le scénario embrasse une certaine ambiguïté, un peu comme le faisait Danny Boyle avec la drogue à l'époque de son oeuvre culte Trainspotting. Même si le récit, parfaitement construit (un peu trop d'ailleurs), ne manque pas de moraliser dans la dernière ligne droite. Le tout est cependant oublié lors de l'incroyable finale montrant un Mads Mikkelsen qui sait littéralement tout faire. Comme hymne à la vie en ces temps troubles, Alcootest est dans une classe à part, représentant le parfait cadeau de Noël pour les cinéphiles.