Même si la situation conflictuelle que nous présente Adore paraît d'emblée insensée (deux amies d'enfance s'éprennent du jeune fils de l'autre, rendu adulte), on finit irrémédiablement par l'accepter, et même la comprendre. Principalement en raison de l'énorme talent des deux actrices principales, le public est rapidement gagné par la fragilité de ces femmes, par l'amour qu'elles portent à leur fils et, éventuellement, à celui de l'autre. Adore est d'abord intemporel, presque spirituel - avec son paysage paradisiaque et ses protagonistes masculins et féminins magnifiques, intensément épris l'un de l'autre - puis devient plus concret, et laborieux.
Naomi Watts et Robin Wright sont éblouissantes dans les rôles de ces deux amies inséparables qui s'aiment au point de s'échanger leur fils. Elles parviennent à nous faire croire à cette détresse qui habite leur personnage et la passion qui les dévore. Elles arrivent à nous convaincre que la situation est acceptable, pas idéale, mais acceptable. Leur jeu dépasse notre entendement, notre morale. Leur vulnérabilité est transcendante et émouvante. Xavier Samuel et James Frecheville, qui incarnent les deux beaux jeunes hommes mineurs qui succombent aux charmes de la mère de l'autre, sont également très crédibles et sensibles. La symbiose qui unit les quatre personnages transperce l'écran et nous touche droit au coeur.
Les paysages bucoliques, idylliques, sont aussi responsables de la sensibilité qui se dégage de l'oeuvre d'Anne Fontaine. L'histoire se déroule dans ce lieu coupé du monde, un endroit magnifique, un eldorado pour tous les amants interdits. Elle est donc influencée par les mouvements des vagues, comme par ceux du vent. L'emplacement choisi permet d'apporter une certaine poésie qui vient presque justifier la passion et l'amour du quatuor. La nature représente, en partie, leurs émotions et accompagne les protagonistes jusqu'à leur porter réconfort et secours.
La caméra de Fontaine est délicate, indulgente. La réalisatrice pourrait porter un jugement, selon ce qu'elle choisit de montrer, mais tient à nous dévoiler les deux côtés d'une médaille noircie par la honte et la résignation. Des plans fixes, sans fioritures, nous permet de nous attacher aux personnages, peut-être même de les envier, pour leur liberté et leur magnanimité.
La temporalité de l'histoire manque peut-être de cohérence, ou du moins de clarté. On comprend que la cinéaste n'a pas voulu indiquer le temps qui passe par des intertitres ou des sous-titres, mais indiquer plus franchement les ellipses aurait évité quelques confusions (surtout que les personnages ne vieillissent pas suffisamment pour que leur visage nous relève l'écoulement des années).
Adore se termine dans la même sérénité qu'il s'est amorcée et nous laisse dans une aura étrange, bercée par autant de plénitude que de vide.