Qu'est-ce que le réalisateur Eli Roth allait bien pouvoir nous servir avec Thanksgiving, version (très) allongée d'une fausse bande-annonce devenue culte proposée il y a maintenant seize ans?
Dès le dévoilement des premières images, plus tôt cet été, il était on ne peut plus clair que le cinéaste avait décidé de troquer les allures de production de série Z de sa création originale pour une facture visuelle moderne et travaillée.
Un choix qui a pu en décevoir plus d'un au premier abord (dont l'auteur de ces lignes), mais que Roth parvient à justifier très rapidement à travers ses élans macabres et les grandes lignes du discours qu'il s'efforce d'articuler.
Thanksgiving est un slasher dans la plus pure tradition du genre. Rien de plus, rien de moins. Il n'y a aucune volonté ici de déconstruire les codes ou de jouer la carte de la subversion. La prémisse et les personnages sont débiles (dans le bon sens du terme), et les machinations sont tout aussi grotesques (toujours dans le bon sens du terme).
Et c'est grâce à cette sincérité si Roth peut rejoindre aussi aisément son public cible.
Entre la première scène rendant un bref hommage à Halloween et la dernière se permettant un clin d'oeil à la série Friday the 13th, nous sommes invités à prendre part aux festivités de l'Action de grâce dans le ville de Plymouth, au Massachusetts.
Tandis que certains prennent place autour d'une table garnie d'un copieux repas, d'autres se massent aux portes d'un magasin à grande surface pour profiter des aubaines du Black Friday.
La soirée tourne toutefois à l'émeute lorsque la fille du propriétaire du commerce décide d'y faire entrer ses camarades avant l'ouverture des portes.
Il n'en faut pas plus pour mettre le feu aux poudres, et les consommateurs se ruent vers les gaufriers en promotion et autres produits de consommation plus ou moins nécessaires comme si leur vie en dépendait. L'incident fait plusieurs victimes, et plonge la petite localité dans un embarras national.
L'image est forte, impitoyable, et met habilement la table pour ce qui doit suivre.
Un an plus tard, un individu qui a vraisemblablement une bonne raison de se venger décide de revêtir un costume et un masque de pèlerin pour offrir une célébration que ceux qu'il juge responsables de la tragédie ne sont pas près d'oublier.
Le cinéma d'Eli Roth a toujours eu la subtilité et la nuance d'un bon coup de pelle en plein visage. Ce qui n'est pas peu dire pour un long métrage prenant de front des sujets comme le capitalisme sauvage et la chute de l'empathie à l'ère des réseaux sociaux. Le tout en ne se souciant jamais le moins du monde des sensibilités (démesurées) du public d'aujourd'hui.
Comme à son habitude, le cinéaste prêche par excès, donnant dans l'horreur satirique en exagérant les traits les plus détestables de ses personnages - principaux comme secondaires - et en s'en donnant à coeur joie dans les effets gore.
Certes, si l'ensemble demeure soutenu en termes de démonstrations de violence, le récit s'essouffle tout de même un tantinet durant le deuxième acte, en particulier lorsqu'il tourne un peu trop autour du quotidien chahuté des cinq adolescents, qui voudraient évidemment bien découvrir qui peut leur en vouloir à ce point, et pourquoi.
Ceci étant dit, ce que Roth et son coscénariste Jeff Rendell font assez bien durant cette partie, c'est d'engager leur public dans leur chasse au tueur. Ces derniers parsèment ainsi leurs scènes d'indices suffisamment évocateurs pour que la grande révélation finale ne paraisse pas trop tirée par les cheveux.
Et à cet égard, le duo nous montre par la suite qu'il avait définitivement gardé le meilleur pour le dessert, alors que le chaos, la brutalité, le mauvais goût et la tension grandissante du dernier droit élèvent le film vers des sommets encore insoupçonnés.
Tel un festin de l'Action de grâce, Thanksgiving suit à la lettre une recette se transmettant de génération en génération. Les hôtes n'ont pas modifié la liste des ingrédients, ni pris de liberté avec le temps de cuisson. Le tout en s'assurant que le goût de chaque aliment présent dans l'assiette soit suffisamment relevé pour exciter les papilles des cinéphiles toujours partants pour un délire sanglant et incisif qui ne se prend pas trop au sérieux.
Pour une fois, la dinde est cuite à point.