Le film Abominable ne révolutionne absolument rien. On peut même dire qu'il est bien moins efficace que la plupart des oeuvres animées présentées à la tonne sur nos écrans chaque année. La force du long métrage, coproduit par la Chine et les États-Unis, est sa façon de s'adresser aux touts petits. Au-delà des classiques pets, rots, cacas et vomis qui rendent les gamins hilares, Abominable possède un charme juvénile qui sait séduire les bambins. Par contre, l'âge limite pour apprécier l'oeuvre ne dépasse pas 10 ans. Plus vieux que ça, on trouve rapidement la production banale, ennuyante et même insignifiante.
L'histoire n'est pas très étoffée. On a placé ici et là des éléments dramatiques, dont un père décédé abruptement et une adolescente incapable de vivre son deuil, mais l'émotion ne traverse pas l'écran, malgré les grands yeux globuleux du Yéti. Même les plus petits - à qui s'adresse directement le film - ne seront pas emportés par le drame vécu par Yi. Les dialogues qu'elle échange avec ses comparses masculins manquent de raffinement; on ne quitte jamais le premier degré. Puis, les morales anonymes (amitié, famille, environnement, fraternité, courage, persévérance, confiance) s'empilent sans trouver de véritables échos dans le récit et dans le coeur des cinéphiles.
D'un point de vue visuel, Abominable ose davantage. Certaines séquences versent dans le lyrisme et la féérie comme peu d'autres productions l'ont fait jusqu'à présent. Bien qu'on dépeint ici la Chine un peu trop comme une carte postale, elle devient le théâtre de scènes colorées et magnifiques qui justifient à elles seules le visionnement. Comme la protagoniste est une violoncelliste, on peut entendre quelques mélodies fabuleuses qui apportent une dimension particulièrement à la production. Malheureusement, on a saupoudré quelques chansons pop accrocheuses à l'ensemble, ce qui vient rapidement briser l'aspect ludique et bohème du film.
Abominable vise un très large territoire (DreamWorks Animation a l'intention de pénétrer de nombreux marchés internationaux), mais s'adresse pourtant à un public très restreint. Les petits enfants seront peut-être emballés par les cabrioles du jeune Yéti Everest, mais leurs parents, eux, regarderont leur montre afin de calculer combien de temps ils leur restent à les endurer.