Le rare Malick se fait plus présent dernièrement avec un deuxième film en deux ans. Après le succès - aussi démesuré que son sujet - de The Tree of Life (seul le temps nous dira s'il était mérité), voilà To the Wonder, une offre mystico-lyrique (voir : musique symphonique) qui viendra se tenir sur le mur mitoyen entre ce cinéma poétique qu'on fait semblant de comprendre par respect pour son auteur et l'expérience des sens qui fait les plus grands films, que Malick a déjà connue et atteinte. Parce que qui ira prétendre « comprendre » ce que Malick fait ici aura même raté ce qu'il fait vraiment, dans ce film où la narration, les balises, les thèmes vont au-delà du tangible (dans son sens religieux). Même si le récit de To the Wonder est intelligible, il est très secondaire, dans cette suite éthérée de moments flottants; Malick, d'habitude, a l'instinct de l'amalgame, ici, pas vraiment.
Circonvolutionnant autour de thèmes qui lui sont chers (à l'exception qu'il se fait ici plus prêcheur que jamais), le réalisateur américain s'essaie donc à la comédie romantique/drame sentimental, engageant des acteurs pour leur vacuité (Olga Kurylenko est très jolie, mais elle n'inspire rien sinon du désir - c'est trop peu) et filmant Affleck comme s'il n'existait pas. Il n'est pas certain que Malick aime les acteurs (il les guillotine de ses films assez hardiment), et c'est encore plus évident ici. Sans oublier Bardem, dont le personnage est l'incarnation de l'inutile, en même temps que la lumière chrétienne qui est si importante pour le cinéaste (on suppose, on ne le connaît pas personnellement).
Parce que c'est Malick et parce qu'on est curieux, on entre pleinement dans le film dès les premiers instants; qu'est-ce donc que cette narration en français? Une erreur de projection? Non... puis l'anglais, puis l'espagnol, l'italien. Des gens, le mariage, la lumière, les champs. Ben Affleck (encore) de dos. Le vide. Jamais le vide extérieur n'aurait fait écho au vide intérieur de manière plus simpliste. Courir dans les champs, virevolter, danser, puis être triste. Se quitter, s'aimer encore. La laisser pour une autre. Traitée autrement, voilà l'histoire d'amour des films hollywoodiens les plus clichés.
Et franchement, l'histoire n'a par la suite pas davantage d'intérêt. L'intérêt c'est le réalisateur, qui filme ici avec l'élan qu'on lui connaît, virevoltant dans les champs, comme s'il ventait perpétuellement. Mais pour une rare fois, on s'interroge, on se demande à quoi ça rime (ce film est-il un poème?), et la réponse est plus souvent qu'autrement décevante. Tout n'est pas à jeter, évidemment, mais les moments de grâce sont trop rares et trop fugaces pour prendre le dessus.
Face à To the Wonder, on est face à un dilemme; l'aspect charcuté et les rumeurs entourant le tournage (de nombreux acteurs ayant participé au film ne s'y retrouvent plus) laissent croire à autre chose, à un autre film qui pourrait durer une heure de plus et lier les fragments que l'on voit. Mais, déjà qu'on s'ennuie grandement dans toute la deuxième moitié du film, qu'est-ce que ce serait s'il durait une heure de plus, comme il est coutume chez Malick? On n'ose même pas l'imaginer.