9 mois ferme est définitivement différente des autres comédies françaises qui ont l'habitude de se rendre jusque sur nos écrans québécois. Ce n'est pas vraiment l'histoire, ni le jeu des comédiens, ni les dialogues ou la réalisation, c'est un heureux mélange de tout ça. Un décalage subtil entre fiction et réalité, entre humour noir corrosif et comédie de situation. 9 mois ferme se trouve dans un endroit peu fréquenté (parce que risqué), quelque part entre intelligence et psychédélisme. Sa plus grande qualité est fort probablement ce non-conformisme qui nous maintient intéressé malgré parfois la vacuité - et l'étrangeté - de son histoire.
Le récit de cette jeune juge célibataire, sur le point d'avoir une promotion importante, qui tombe enceinte d'un criminel, accusé d'un crime sordide, n'est pas le récit le plus intrigant et enlevant qui soit, mais la façon dont il nous est raconté arrive à nous convaincre d'écouter encore, et ultimement, à nous intéresser aux personnages, et à leur destin. Les deux protagonistes colorés sont d'ailleurs magnifiquement bien interprétés par Sandrine Kiberlain (qui a d'ailleurs remporté le César de la meilleure actrice pour ce rôle) et Albert Dupontel. Même s'ils sont plutôt invraisemblables - trop maniérés pour être crédibles -, cette juge et ce bandit parviennent à toucher les spectateurs et à les embobiner sans trop de cabotinage.
La plus grande force du film est irrémédiablement au niveau de la mise en scène. Albert Dupontel, qui a écrit le scénario de l'oeuvre avec Laurent Turner, a choisi un visuel dynamique, parlant, et surtout, pas ennuyant. Le réalisateur utilise certains artifices du montage pour stimuler la satire. Les personnages imaginent, par exemple, plusieurs hypothèses possibles pour un même évènement et le public voit l'acteur jouer ces différentes possibilités. Dupontel ose. Il ose un humour trash (la femme qui veut tuer l'enfant qu'elle porte en se lançant, ventre devant, sur le sol, est un humour plutôt intrépide) et farfelu. L'idée d'inclure à son histoire un « globophage »; une personne qui mange des yeux, était aussi insensée que brillante. Le cinéaste arrive à faire entrer le public dans son univers de cinglés sans lui forcer la main.
Les personnages secondaires sont ici, comme ils le sont dans la plupart des comédies, des délivreurs de gags. Le juge De Bernard qui tente désespérément de séduire la protagoniste avec ses talents de golfeur, et l'avocat qui la craint et bégaye en tremblant comme une feuille parviendront certainement à décrocher quelques rires de son public, mais ne sont pas originaux pour autant. Il faut aimer la comédie de situation, il faut aimer les cabrioles et les culbutes (ce qui ne me plaît pas particulièrement) pour apprécier ces guignols et leurs plaisanteries. Le caméo amusant de Jean Dujardin saura certainement faire sourire un public habitué de voir l'acteur en avant-scène.
9 mois ferme amalgame efficacement plusieurs styles d'humour, mais arrive également à toucher avec un drame étoffé et convaincant. Même si l'histoire de 9 mois ferme manque peut-être de profondeur et parfois de cohérence, le contenant est si audacieux qu'il pardonne la simplicité de son contenu.