Les films choraux sont généralement inégaux. Il y a toujours certaines histoires qui nous plaisent davantage que les autres et le rythme finit par s'étioler dans un manque de cohérence évident. Il y a bien sûr eu des exceptions pour confirmer la règle - que ce soit Magnolia, Crash ou Pulp Fiction - mais la plupart des efforts dans ce style particulier amènent des résultats imparfaits.
Risquer un long métrage parsemé de petites histoires, ayant un lien infime entre chacune d'elles, était audacieux. Mais Stéphane E. Roy croyait en son produit, et nous sommes particulièrement ravis qu'il ait poussé son projet jusqu'au bout. 9 le film ne possède pas cette inégalité qui gêne habituellement l'appréciation des oeuvres chorales, et ce, malgré le fait que les différents récits n'aient pas d'évidentes corrélations entre eux, mis à part qu'ils s'intéressent tous aux relations entre les humains (un thème assez générique, admettons-le).
Les neuf courts métrages sont réalisés par des cinéastes émérites, dont Érik Canuel, Jean-Philippe Duval, Micheline Lanctôt, Luc Picard et Ricardo Trogi, et chacun d'eux nous transporte dans son univers avec une fluidité et une humanité étonnantes. Malgré ces univers hétérogènes, le film choral ne souffre pas d'une dissonance chaotique globale comme d'autres avant lui. Chacun des courts métrages est présenté de façon didactique - avec le titre du film et le nom du réalisateur - et pourtant, on ne ressent pas de frein ou de décélération dans le rythme du long métrage. Chapeau au travail de coordonnateur qu'Éric Tessier a joué avec brio pour amalgamer ces neuf histoires ensemble.
Ce qui est particulièrement appréciable dans 9 le film c'est qu'on rapporte irrémédiablement quelque chose avec nous après le visionnement. La plupart des films se terminent une fois la porte du cinéma passée, mais certains laissent des traces (elles ne sont pas toujours positives, mais le sont définitivement ici). Tous les cinéphiles auront été marqués plus particulièrement par une oeuvre ou par une autre (personnellement mon film préféré est : Halte routière de Canuel). Ces petits films engendreront également des discussions à la sortie du cinéma, pas nécessairement parce qu'ils explorent des sujets litigieux, mais parce qu'ils se rapportent à des situations de la vie quotidienne (de façon satirique) qui nous touchent et nous font réfléchir sur nos propres travers.
Il y a également, dans ce long métrage, des performances d'acteurs remarquables qui méritent d'être soulignées. Mentionnons le travail exceptionnel de Nicolas Canuel et Maxim Gaudette qui interprètent deux camionneurs à la sexualité confuse, la prestation fabuleuse de Marc Labrèche en mondain vaniteux qui insulte un vendeur d'appareils électroniques et celle, émouvante, d'Alexis Martin dans le rôle d'un homme qui apprend que sa femme est décédée au cours des quelques heures où il a quitté son chevet.
9 le film est un petit bijou inattendu qui bigarre l'offre cinématographique québécoise de belle façon. On vous le conseille chaudement!