Les trente premières minutes de 8 fois debout sont de grande qualité. Elles sont empreintes d'une cruauté tendre, d'une fascinante exploration de personnages riches et impénétrables (sont-ils des menteurs pathologiques, ou pas?) qui sont le présage d'un talent d'auteur d'exception. Mais parce que le film tombe par la suite dans des considérations plus anecdotiques et bien moins stimulantes, 8 fois debout laisse une impression de vide, d'inachevé, qui est bien regrettable parce qu'on devine ce que ce film aurait pu être s'il avait conservé cette saveur unique.
Elsa vit une existence modeste faite de petits boulots, souvent illicites, et d'une constante recherche d'emploi. Son voisin de pallier, Mathieu, vit sensiblement les mêmes problèmes qu'elle : ils sont incapables de décrocher un boulot. Ils s'entraident, se comprennent. Un jour, ils sont jetés à la rue et séparés. Sans le sous, Elsa, qui tente en parallèle de reprendre contact avec son fils dont elle a perdu la garde, reçoit l'aide de son cousin qui croit lui avoir obtenu un emploi. Elle espère que cette fois-ci, c'est la bonne.
En représentant avec une délicieuse minutie ces personnages complexes, le réalisateur et scénariste Xabi Molia insuffle à son premier long métrage le délicat humanisme qui fait du cinéma un objet d'observation sociale. Sans dénoncer, en tendant même fortement vers la comédie, Molia met en scène un drame social plus éloquent que les films ouvertement « engagés », parce que plus subtils et plus cohérents. Il n'y a pas de misérabilisme, pas cette tendance à forcer la pitié : oui, les personnages de 8 fois debout sont dans le pétrin, mais leur optimisme n'est jamais affecté. Pourquoi, en effet, la prochaine fois ne pourrait-elle pas être la bonne?
Cela ne veut pas dire cependant qu'elle le sera. Mais comme le film ne répond jamais véritablement à la question, il passe dans un registre plus poétique que narratif; cela le rend plus accessible (tout le monde peut ressentir le malaise de voir une femme lancer ainsi le ballon à son fils, sans que sa frustration soit ostentatoire) mais cela lui nuit aussi. Parce que le deuxième tiers du film, flottant entre deux moteurs dramatiques, perd grandement de son intérêt à cause de la simplicité des observations. Des anecdotes, des évidences sans importance qui nous éloignent de ces deux fascinants personnages.
Dans le rôle principal, Julie Gayet est entièrement dédiée à Elsa, mais elle n'y trouve pas le personnage pour jouer dans le véritable registre qui lui convient (jusqu'à preuve du contraire, évidemment). Elle est délibérément décalée, bien sûr, mais l'actrice n'est pas ici irremplaçable, dans ce qui s'avère être une performance compétente, mais éclipsée par celle, toute en délicatesse, de Denis Podalydès - sous-utilisé - est particulièrement attendrissante, dans le rôle d'un homme vulnérable, mais pas un « perdant ». Une profondeur véritablement fascinante, qu'on aurait aimé découvrir davantage.