Le cinéma américain a la fâcheuse tendance de polariser les émotions; quand c'est une comédie, il faudrait rire, sans arrêt, du début à la fin, parce qu'on nous a promis qu'on allait voir une comédie. Même principe quand c'est un drame; là, on préfère pleurer, être bouleversé par des émotions spécialement conçues à cette fin (et qui se ressemblent toutes). Mais la vie ne ressemble en rien à cette division simpliste entre les beaux moments et les moments tristes. Même choses avec les personnages : les gentils sont pas mal toujours gentils et les méchants, toujours méchants - c'est plus facile de savoir sur qui fonder nos espoirs et sur qui placer notre empathie. Mais qu'en est-il réellement?
Bien peu d'humains sont entièrement gentils ou méchants, et c'est sur cette fine ligne entre les deux que le film de Jonathan Levine se tient. Face au drame, tout le monde réagit différemment. Pour Adam, notre héros dans 50/50, le diagnostic de ce cancer malin qui ne lui laisse que 50% des chances de survie est - ça va de soi - un coup dur, mais c'est aussi un signal qui lui permettra de remettre de l'ordre dans sa vie. Sa vie c'est : son meilleur ami Kyle, sa copine Racheal, sa mère et, bientôt, sa psychologue Katherine. Il deviendra parfois amer et méchant envers les gens près de lui qui essaient de l'aider, mais eux aussi réagissent selon leur caractère. Le film rend toutes les réactions plausibles même si elles sont tellement différentes d'un personnage à l'autre. Les nombreuses nuances ajoutent de la complexité à cette situation qui aurait pu facilement être simplifiée pour le cinéma.
C'est grâce au talent des comédiens, qui vont de Joseph Gordon-Levitt (l'un des meilleurs acteurs de sa génération) à Anjelica Huston (particulièrement émouvante), en passant par Seth Rogen (capable de jouer ce rôle dans son sommeil) et Anna Kendrick (délicieuse) que ce mélange fonctionne. 50/50 tire profit de leur talent sans se gêner. Tant et si bien qu'on ne lui en tient pas trop rigueur de se laisser aller à quelques flottements musicaux et à une histoire d'amour à saveur de guimauve par moments.
Le film est autrement rempli de trouvailles comiques très réussies, qui vont de l'habituel pot médicinal au meilleur ami comic relief qui vient désamorcer les séquences trop lourdes. Il faut aussi compter sur les maladresses d'une jeune psychologue un peu dépassée et sur le personnage principal, toujours juste, toujours si... plausible.
On n'a pas l'habitude de se laisser prendre au jeu de la « réalité », au cinéma, et 50/50 n'y changera pas grand chose. Mais le « réalisme », on y croit fortement, pour la simple et bonne raison que c'est à travers lui que les émotions traversent l'écran pour rejoindre individuellement les spectateurs. 50/50 réussit ce tour de passe-passe qui défie toute logique (un peu de lumière sur un écran! des acteurs! pfff, franchement...) et propose un mélange (à parts égales?) entre la comédie et le drame, dans quelque chose qui ressemble à... la vie.