Les studios américains produisent à la douzaine des longs métrages comme 21 Bridges, qui traitent de sujets graves en privilégiant la violence et l'autojustice. Qui se rappelle encore de Black and Blue qui a pris l'affiche au cinéma il y a moins d'un mois et qui racontait sensiblement la même histoire?
Le récit se déroule cette fois à New York, alors que des voleurs et tueurs de flics sont recherchés par les forces de l'ordre. Pendant quelques heures de la nuit, un détective (Chadwick Boseman) arrive à boucler Manhattan - en fermant tous ses ponts et accès - afin d'isoler les fugitifs en cavale. C'était avant qu'il découvre que la corruption policière gangrène son entourage...
Ce long métrage routinier se déroule en deux temps. Il y a d'abord ces scènes d'action et de fusillades filmées mécaniquement par Brian Kirk (l'inédit Middletown), dont le style s'apparente à un ersatz des frères Russo (les derniers épisodes Avengers), qui agissent ici comme producteurs. L'efficacité prime au détriment de la subtilité, bien qu'un montage rythmé et une musique omniprésente n'ont jamais transformé la rouille en or.
Puis il y a un exposé superficiel sur la loi, l'ordre et la morale. Une façon accessoire et peu nuancée de traiter la corruption en laissant primer la nature sauvage de l'Homme. Pourtant les modèles ne manquent pas, de Copland à L.A. Confidential, en passant par le classique Serpico.
Il y avait pourtant matière à beaucoup plus derrière ce thriller formaté au possible. Son héros, un policier déshonoré et rapide sur la gâchette, possédait le bagage nécessaire afin d'aborder des questions hautement plus humaines, sociales, philosophiques et existentielles. Surtout qu'il est interprété par le toujours excellent Chadwick Boseman. Quelle surprise après les succès mondiaux de Black Panther et des récents Avengers qu'il choisisse ce projet qui ne le met nullement en valeur! Le tout Hollywood était pratiquement à ses pieds, il pouvait mettre de l'avant une histoire importante qui lui tenait à coeur... et il s'est engagé dans cette création qui s'oublie au fur et à mesure qu'on la regarde?
Il est entouré d'une solide distribution - J.K. Simmons, Sienna Miller, Taylor Kitsch - qui verse dans la caricature manichéenne. Mais également d'un antagoniste qui aurait pu transformer ce suspense en une sorte de The Fugitive des temps modernes. Ce «méchant» est campé avec charisme et détermination par le talentueux Stephan James, qui mène une carrière plus qu'appréciable avec Race et If Beale Street Could Talk. Encore là, son personnage a été réduit à sa plus simple expression, dénaturé de son âme et de son intérêt.
Ayant eu sa place à une autre époque sur les ondes de V, 21 Bridges semble tout droit sorti d'une usine à saucisses qui assure un minimum de qualité en offrant un produit à consommation unique qui a au final bien peu de goût. Chadwick Boseman et Stephan James devraient vite couper les ponts avec ce type de production pour se concentrer sur quelque chose de plus nécessaire et divertissant.